Signe des temps, la Russie, longtemps considérée comme un demandeur net d'investissements directs étrangers (IDE), envisage de les limiter à des secteurs bien précis. Le G7, ce fameux groupe des sept pays les plus industrialisés, ou encore les plus riches, a fini par lui faire une place en son sein, pour devenir le G8. Longtemps endettée, et même lourdement, la Russie, qui réussit des taux de croissance tout simplement enviables, se tourne vers l'extérieur, avec à la clé un sens étroit du réalisme dans un monde marqué par la concurrence, et surtout plus d'idéologie. Avec la Russie actuelle, il y a beaucoup à dire. Elle est en totale rupture avec celle d'il y a à peine quelques années, et encore plus avec l'ancienne Union soviétique dont elle est l'héritière, marquée à sa fin par un président sans Etat, l'URSS venant tout simplement de disparaître, et avec elle le communisme. Le premier président de la nouvelle Russie gérait alors la crise, à un point tel qu'il appréhendait la poursuite du processus d'effritement, celui-ci pouvant atteindre la Fédération de Russie, selon lui. Son successeur qu'il avait lui-même désigné s'est fait alors fort d'arrêter ce processus, se permettant même une vision prospective qui ferait de la Russie un membre à part entière de l'OTAN, cette fameuse alliance ennemie, laquelle se permettait de repousser ses frontières pour englober les anciennes républiques socialistes. Vladimir Poutine plaisantait, semble-t-il, mais c'était aussi pour lui une manière de frapper d'obsolescence une alliance militaire née en pleine guerre froide et qui a survécu à la disparition des blocs antagoniques. C'est dire à quel point c'est la fin des idéologies, laissant la place aux seuls intérêts. Et la Russie de Vladimir Poutine en revendique. Elle se donne les moyens pour reprendre la place qu'elle occupait. C'est déjà un marché porteur puisque les investisseurs se bousculent. Certains analystes ne manquent, d'ailleurs, pas d'affirmer que la récente crise de gaz avec l'Ukraine et avec des pays européens en serait une forme d'expression. Et comme tout cela nécessitait une traduction politique, les spécialistes n'en voudraient pour preuve que l'invitation adressée par le président Vladimir Poutine au mouvement palestinien Hamas frappé d'ostracisme et mis sous pression par le quartette au sein duquel siège pourtant la Russie. C'est une manière pour elle, dit-on, de prouver sa différence, ou ses réserves, car la paix est un tout, et qu'il faille rendre justice au peuple palestinien. Les milieux diplomatiques considèrent que la Russie n'a pris aucun risque en invitant le Hamas, et qu'elle a fait un choix très précis puisque ce mouvement palestinien s'est fait fort, lui aussi, d'affirmer ses positions en terre russe. La Russie entend se donner une autre image, celle du partenaire pour la paix, où, encore une fois, l'idéologie ne joue pas le moindre rôle, le libéralisme ayant effacé jusqu'au moindre soupçon. A partir de là, l'horizon devient plus clair jusque et y compris dans les relations avec les Etats-Unis, toujours plus proches de leurs intérêts, et qui avaient conclu avec la Russie un partenariat énergétique stratégique. Même l'idée de chasse gardée est battue en brèche, comme l'a montré la visite fortement remarquée en Russie de celui qui est devenu, il y a moins d'une année, le roi d'Arabie Saoudite, non seulement immense réservoir de pétrole, mais surtout principal allié arabe des Etats-Unis. Et puis, comme le montre l'actualité de ces derniers jours, c'est le dossier iranien dans lequel la Russie occupe une place de premier plan. En tant que partenaire de l'Iran, ennemi déclaré des Etats-Unis, mais pas des Européens, eux aussi préoccupés par leurs intérêts, mais aussi en tant qu'intermédiaire pour éviter une crise majeure. Encore une offre de paix, et encore une fois aucune forme d'adversité avec qui que ce soit. « Bien que nos méthodes pour atteindre les objectifs (...) ne coïncident pas nécessairement (...), les objectifs (...) sont néanmoins identiques et partagés », a ainsi souligné, mardi à Washington, le ministre russe des Affaires étrangères. Ceci étant clarifié, il s'interroge au sujet de l'Iran : « Avez-vous une quelconque proposition de sanctions ? Cette question est hypothétique. » Voilà en ce qui concerne la méthode. C'est ce qui caractérise le grand retour de la diplomatie russe, alors qu'il y a quelques années, elle était à l'image de ce pays, c'est-à-dire sur la défensive. Elle ne craint plus, désormais, de porter la contradiction, et de revendiquer et d'assumer pleinement ses amitiés.