L'attaque du consulat américain à Benghazi n'a pas été revendiquée. Les graves incidents devant l'ambassade américaine à Tunis ont été provoqués au nom de la protection du sacré. Le groupuscule Ansar Charia est pourtant mis à l'index dans les deux cas. Eclairage. Malgré les dénégations de Hani Mansouri, le porte-parole de Ansar Charia, quant à l'implication du groupe dans l'attaque du consulat américain à Benghazi, les accusations continuent à indiquer la branche locale d'Al Qaîda, surtout que Aymen Al Zawahiri a demandé aux salafistes libyens de s'en prendre aux Américains pour venger la mort d'un des grands stratèges de l'organisation, Abou Yahia Allibi, tué en juin dernier par un drone américain au Pakistan. Mais pourquoi Ansar Charia ? Opérations coup-de-poing Deux explications sont formulées par la juge Oumaïma Ziou pour donner de la consistance à ces accusations. «D'une part, les témoignages de personnes présentes sur place, devant le consulat des Etats-Unis à Benghazi, rapportent la présence de pick-up portant l'enseigne de ce groupuscule. Le porte-parole du groupe avait alors dit qu'il s'agissait de membres venus à titre personnel et que Ansar Charia n'a pas appelé à cette manifestation en tant qu'organisme. D'autre part, les membres de Ansar Charia n'ont cessé de défendre Al Qaîda ; il s'agissait d'un 11 septembre et de venger Abou Yahia Allibi. Donc, il ne s'agit que de faire le lien que l'enquête va confirmer», a-t-elle expliqué. Dans le même ordre d'idées, le doyen de la faculté de droit de Ghariane, Ahmed Drid, pense que cette action concorde avec la logique djihadiste. «Ces fondamentalistes ne disposent en Libye que d'un faible poids politique. Ils multiplient les opérations coup-de-poing pour jouer les trouble-fêtes sur cette scène politique encore précaire afin de se positionner dans l'optique d'un gouvernement islamiste», souligne-t-il. Des «états de service» confirmatoires Le doyen Drid présente ce groupe comme étant une brigade des partisans (Ansar) de la Chariaâ qui a vu le jour après la chute du régime de Mouammar El Gueddafi. Elle est composée d'anciens rebelles ayant combattu les forces d'El Gueddafi durant la révolution libyenne en 2011, notamment lors de la bataille de Syrte en août et septembre 2011. «Selon les images sur la série de vidéos qu'elle a diffusées sur internet, cette brigade armée compterait dans ses rangs entre 200 et 300 hommes», ajoute le doyen, qui pense que les dernières actions de cette brigade montrent qu'elle «n'est plus cantonnée à la stricte prédication de l'islam» et qu'elle «aspire plutôt à un positionnement politique dans la nouvelle Libye islamiste». L'ex-membre du CNT et universitaire, Mansour Younes, rappelle que «ce même groupe s'est attaqué à Zlitan au mausolée du saint soufi Abdessalem El Asmar, lieu de pèlerinage pour les soufis». «Ils profitent du vide au sommet de l'Etat et à l'inertie des forces de sécurité pour perpétrer leurs crimes», ajoute-t-il. Il n'empêche qu'ils veulent passer un message. «Ce sont des lieux d'hérésie et d'ignorance aux yeux de ces totalitaires. Ils ne comprennent pas qu'il y a un islam autre que celui qu'ils prêchent», conclut-il. Le groupe Ansar Charia a fait beaucoup parler de lui en Tunisie. Son leader, Seif Allah Ben Hassine, alias Abou Iyadh, a combattu en Afghanistan, puis fut arrêté en 2003 en Turquie et extradé ensuite en Tunisie. La main des Saoudiens Condamné à 43 ans de prison par le régime de Ben Ali, il a bénéficié de la grâce présidentielle suite aux élections de 2011. Selon l'islamologue Iqbal Gharbi, «Ansar Charia fait partie des groupes les plus virulents. Ses sympathisants ont été derrière les manifestations de mars dernier pour la Charia dans la prochaine Constitution. Ils ont également manifesté pour réclamer la libération des détenus de l'affaire de Bir Ali Ben Khalifa, pourtant impliqués dans un trafic d'armes de combat pour les djihadistes tunisiens, en février dernier». «La plus spectaculaire des actions de Ansar Charia a été le grand rassemblement de quelques milliers de personnes à Kairouan, le 20 mai dernier. Abou Iyadh avait alors déclaré ouvertement son intention de combattre pour l'application de la charia en Tunisie. Il avait clairement dévoilé sa sympathie avec Al Qaîda», a également souligné Mme Gharbi. Ce sont surtout les chaînes de télévision religieuses saoudiennes qui ont contribué à propager le discours salafiste dans les pays arabes au cours des vingt dernières années. Mais si les salafistes étaient réprimés dans plusieurs pays arabes, d'autres régimes les encourageaient en sous-main «pour diviser les islamistes» et affaiblir notamment les Frères musulmans, estime Béchir Nafi, chercheur principal au centre d'études Al Jazeera basé au Qatar. Ils entrent donc dans les rivalités «islamistes» dans le monde arabo-musulman.