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Education : par où commencer ?
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Publié dans El Watan le 24 - 09 - 2012

Débutons par situer l'importance de l'éducation dans les évolutions économiques et sociales des pays. La qualité de l'éducation est considérée à juste titre comme le pilier central de la sécurité nationale et des performances économiques des pays. Les écoliers d'aujourd'hui seront les politiciens, les managers, les ingénieurs, les chercheurs et les travailleurs de demain. Une amélioration perpétuelle des qualifications humaines permettrait au pays de se hisser parmi les plus compétitifs, les Etats émergents les plus enviés. Soulignons qu'on fixe généralement deux grands vecteurs d'objectifs au secteur éducatif.
En premier lieu, participer à enraciner dans la culture nationale un minimum de valeurs, de normes et de modes de comportements qui permettent aux citoyens de coexister, de pouvoir progresser en acceptant et en s'enrichissant des différences mutuelles. En second lieu, on compte sur l'éducation pour disposer d'un réservoir de compétences nationales qui serait capable de constamment hisser les performances économiques au niveau des pays les plus compétitifs.
Faisons une halte et considérons ces deux grands groupes de vecteurs. Avons-nous réussi ? Certes, le système éducatif est loin d'être l'unique responsable des résultats. Le monde économique, la sociologie politique et l'utilisation des ressources humaines formées entrent en ligne de compte. Il se pourrait que l'accueil et les systèmes de motivation ne permettent pas de faire bon usage du produit du secteur éducatif.
Peut-on Etablir un Diagnostic ?
Nous lisons fréquemment des commentaires contradictoires sur les performances du secteur éducatif dans notre pays. Pour ces critiques, le niveau général a brutalement chuté, après les réformes initiées (Fondamental). Ils mettent en avant de nombreux repères : la capacité des sortants à lire, écrire et les évaluations souvent très négatives des utilisateurs (entreprises, administrations, sociétés internationales). Les responsables du secteur avancent des arguments contraires qui voudraient promouvoir l'idée d'une réussite tendancielle. Les preuves avancées se réfèrent aux taux de réussite des examens officiels et aux quelques succès de certains élèves et étudiants transférés à l'étranger. On peut continuer à avoir ce débat de sourd pour des périodes indéterminées. Voilà ce qui arrive lorsqu'on occulte les principes élémentaires du management d'un secteur ou d'une institution. Gérer c'est mesurer d'une manière simple, transparente, indépendante et objective. Comment peut-on gérer quelque chose que l'on ne mesure pas ?
L'outil essentiel et indispensable pour gérer le secteur (du primaire jusqu'à l'enseignement supérieur) n'existe pas. C'est un centre de tests indépendant qui peut techniquement mesurer le niveau par matière, par zone et voir l'évolution tendancielle. Il pourrait nous dire par exemple, que le niveau des mathématiques moyen s'est détérioré de 1% mais il s'est amélioré de 2% dans la wilaya d'Adrar. Les nations qui gèrent scientifiquement ce secteur disposent de cet outil, par ailleurs, pas très difficile à mettre en place. Les examens officiels ne sont pas un indicateur car ils peuvent être téléguidés.
En outre, on ne peut pas être juge et partie. L'auditeur doit être neutre et indépendant. Ceci constitue le principe de base de gestion efficace d'un secteur. Nous avons perdu des dizaines d'années à cafouiller et à débattre inutilement. Le premier effort de redressement doit nécessairement aller vers cette direction. Le diagnostic est simple : nous n'avons pas les outils pour gérer et améliorer le secteur. Même le diagnostic de la fameuse commission sur les réformes de l'éducation ne contient pas des indicateurs transparents, objectifs et neutres. Il y a eu un travail exceptionnellement bon sur le diagnostic.
Les recommandations formulées vont dans la bonne direction. Mais beaucoup de points essentiels manquent. Certes, nous n'avons pas la possibilité d'exposer la méthodologie de réforme (ou redressement) d'un secteur d'un point de vue stratégique et opérationnel. Nous ne ferons qu'esquisser des ébauches de solution. Trois mythes circulent dans le domaine de l'éducation dans notre pays. Le premier stipule que l'Algérie consacre suffisamment de ressources à l'éducation. Or, les chiffres de l'Unesco indiquent que nous affectons entre 5 et 5,5% du PIB à l'éducation contre 6 à 6,5% pour des pays comme la Corée, les USA, la France, la Norvège, etc.
Les pays émergents consacrent autant. Leur taux de croissance économique naturel est supérieur à 5%. Le notre, sans injection des ressources se situerait entre 0 et 1%. En dollars constants, ces pays dépensent sept à dix fois plus que nous par personne scolarisée, sans parler du mode de management du secteur. Le second mythe a trait à la qualité. Les exceptions de réussite à l'étranger (dus à des recyclages et des efforts personnels) et les examens officiels sont avancés comme preuve d'une amélioration de la qualité. Nous avons vu que cela n'est pas le cas.
Le troisième mythe consiste à dire que les perspectives sont sombres, vu les dégâts causés. Il est tout à fait possible de réaliser des rattrapages substantiels en travaillant sur plusieurs pistes à la fois : formation des managers, des formateurs, des formateurs de formateurs, ainsi que des recyclages pour les ressources humaines qui sont actives. Les chinois ont investi des ressources financières énormes durant les années quatre-vingt mais ont réussi à gommer toutes les inepties de l'ère communiste.
Les grandes lignes des réformes éducatives
Toute décision de réformes profondes d'un secteur stratégique nécessite de concilier deux aspects : organiser la concertation la plus large possible et arriver à une décision experte. Le diagnostic est en partie technique mais doit nécessairement inclure les parties prenantes (gestionnaires, enseignants, ONG d'éducation, utilisateurs, etc.) comme cibles de l'investigation et comme partenaires pour la production d'alternatives de solutions. Mais, le schéma final retenu doit être un choix d'experts. Le projet de société, le minimum de valeurs dont il convient de participer à ancrer au niveau national, sont des choix politiques qui relèvent des instances démocratiquement élues. Les responsables du secteur sont uniquement appelés à mettre en place l'ensemble des outils et des mécanismes afin de concrétiser ces visées. Par ailleurs, la stratégie de développement économique peut être conçue par un ministère du plan, un institut stratégique, une institution staff ou toute autre forme d'entité. L'éducation constitue le pilier de la construction d'une identité nationale et de la réussite du schéma de la stratégie économique.
Il serait alors plus utile que la commission d'experts chargés de finaliser les choix techniques soit insérée au sein de cette structure pour une meilleure cohérence intersectorielle. La réforme d'un secteur d'activité est toujours une opération complexe. Elle nécessite des orientations stratégiques, une réorganisation du secteur, la qualification des ressources humaines impliquées (gestionnaires, enseignants, formateurs de formateurs, personnel de soutien ; ONG impliquées, etc.), les objectifs globaux, décomposés, les moyens à mettre en œuvre, l'ordonnancement des tâches, les tableaux de bord de contrôle, les boucles de retour, etc.
Nous avons un volet gestion du changement qui est primordial dans la conduite des réformes du secteur. Les spécialistes des sciences de l'éducation affirment que nous avons un système de bourrage, qui forme des perroquets plutôt que des personnes qui réfléchissent et que les méthodes retenues ont été diagnostiquées un peu partout dans le monde comme inopérantes. On aurait dû les tester sur un échantillon limité avant de les généraliser. Mais voilà les tâches essentielles à réaliser :
1- disposer d'un centre de test (testing center) transparent, indépendant et capable de mesurer le niveau à tous les échelons du secteur jusqu'à la simple classe ;
2- passer d'un système qui forme des « parcoeuristes » à un système qui apprend à réfléchir. Ce qui aboutit fatalement à alléger grandement les programmes ;
3- les inspections changeront alors de forme : au lieu de se focaliser sur les procédures on mesure les résultats ;
4- les systèmes de rémunération et de promotion suivront le système d'évaluation par résultats. Un important travail de recyclage et repositionnement est à opérer. Certains enseignants seront versés dans l'administration ou le secteur économique après évaluation des résultats ;
5- nous devons commencer par l'université d'abord et introduire et moderniser les départements d'éducation afin de jouer leur rôle ;
6- les réformes à mener doivent être réalisées par des spécialistes en sciences éducatives et testées sur un échantillon réduits de classes avant leur généralisation ;
7- les ressources à mobiliser par l'Etat seront énormes. Mais nous aurons les ressources humaines compatibles avec le développement et la paix sociale. Cela n'a pas de prix.
8- Il faut libérer également le secteur privé, en lui imposant par exemple 30% des programmes obligatoires et en validant le programme final qu'il a choisi. Il ne faut pas lui imposer les 100% des programmes publics.
Nul ne peut prétendre qu'avec quelques lignes, il règlerait l'ensemble des problèmes d'un secteur. Les parties prenantes (enseignants, gestionnaires, syndicats, parents d'élèves, ONG) et les experts doivent se concerter pour dégager les voies et les moyens de redresser le secteur.
Des idées brillantes peuvent s'en dégager. Nous n'avons pas besoin de décennies pour redresser le secteur. Nous pouvons obtenir des résultats appréciables à moyen terme, mais à condition de mettre les moyens qu'il faut et qu'une gestion efficiente de la réforme ait lieu.


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