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Rachid Tlemçani. Politologue : «Le résultat des locales sera conforme à celui des législatives»
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Publié dans El Watan le 20 - 10 - 2012

-Le ministre de l'Intérieur vient de communiquer les chiffres concernant la participation aux élections locales. Hormis le FLN et le RND qui ont pu couvrir pratiquement tout le territoire national, les autres partis politiques ont peiné pour présenter des listes de candidatures. Rares sont ceux qui sont présents dans un tiers des communes. Quelle lecture faites-vous de ces données ?
Les élections locales ne représentent plus d'enjeux majeurs pour les citoyens. Le logement social, clé de voûte du système rentier, est devenu depuis quelques années l'affaire du chef de daïra. L'attribution des logements ne relève plus d'une commission présidée par le président de l'APC. Elle est présidée par le représentant de l'administration centrale. Sans grande surprise, des émeutes éclatent lors de distributions de logements dans chaque commune. Le nouveau code communal, décrié par l'opposition, vient finalement de légiférer sur une situation donnée. Le wali devient la colonne vertébrale de la gestion des collectivités locales. Il a droit de regard sur tout le fonctionnement de la commune, de l'élection du président d'APC à la gestion des affaires courantes.
Les réunions de l'assemblée communale et ses délibérations sont également soumises à l'approbation du wali, le nouveau texte achève de vider de sa substance la notion même de mandat de l'élu local. L'administration centrale ne fait plus confiance même aux citoyens qu'elle a elle-même intronisés à la tête des APC. La normalisation sécuritaire est plus forte que la couleur partisane des APC.
Selon le ministre de l'Intérieur, 8383 listes sont déposées par 52 partis politiques auxquelles s'ajoutent 188 autres indépendantes. Une légère augmentation est à noter comparativement à 2007. On peut relever également que le nombre de listes déposées pour les APW a pratiquement doublé par rapport à 2007. C'est une représentation record, selon le discours officiel. On veut présenter cet «engouement» comme le couronnement de la réforme politique profonde initiée par le président de la République. Comme messages destinés à la communauté internationale, «l'Algérie est à l'abri du mouvement de révolte», «l'exception algérienne est toujours en vigueur». Comme prévision, le taux de participation officiel serait plus élevé que lors du précédent scrutin.
Sans surprise, le FLN vient en tête avec 1520 listes dans 1541 communes, il est suivi par le RND avec 1477 listes. Selon toute vraisemblance, le résultat final serait conforme à celui des législatives de 2012. La grande surprise viendra probablement du TAJ, un nouveau parti islamiste dirigé par un dissident du MSP, Amar Ghoul. Ce dernier n'a pas jugé utile de se présenter aux élections locales sans enjeu politique et financier. Il préfère se consacrer à la préparation de la présidentielle de 2014, la grande inconnue pour de nombreux observateurs.
-Les islamistes, en particulier ceux du MSP, n'ont pas réussi à présenter des listes dans plus de 300 communes. Cela veut-il dire que ce courant recule encore dans le paysage politique national ?
La grande surprise vient du MSP qui a déposé 321 listes seulement, presque autant que le FFS (319), un nouvel acteur dans l'échiquier régional. Le MSP arrive en fin de mission au profit du nouveau parti, TAJ, dirigé par un dissident du MSP. L'islamisme n'est plus une problématique pertinente pour la compréhension de la réalité nationale. Le bloc social au pouvoir est déjà foncièrement conservateur et liberticide. Un pouvoir islamiste ne ferait pas plus que cela, sauf à contraindre le port du foulard pour les quelques femmes récalcitrantes. Le pouvoir islamiste au Maroc, en Tunisie et en Egypte mettra du temps pour parvenir à l'islamisation à l'algérienne.
-On remarque aussi, à travers ces chiffres, que le MPA de Amara Benyounès et le FNA (qui connaît une crise interne) ont réussi à présenter plus de listes que la majorité des partis traditionnels. Est-ce qu'on peut dire qu'une nouvelle carte politique commence à se constituer en Algérie ?
Le MPA a réussi à déposer 632 listes à travers le pays, alors que le RCD 166 listes. L'étude de ces listes indique que ce nouveau parti a une dimension nationale par comparaison avec le RCD et le FFS, alors que ces derniers ont un capital de lutte de plus de deux décennies. Le RCD sera le grand perdant de ces élections au profit du FFS avec 319 listes et du MPA, conçu comme «le nouveau parti des Kabyles». Le RCD aurait à gagner plus de crédibilité s'il avait boycotté les élections locales. Dans cette perspective, il émergerait comme le parti d'opposition pouvant contrecarrer les visées séparatistes du parti de Ferhat Mhenni qui a déjà annoncé un gouvernement pour la Grande-Kabylie. La manipulation de la Grande-Kabylie avec la connivence, cette fois, de ce qui reste du FFS, risque de préparer le terrain pour l'éclosion des intégristes locaux dans toutes les régions.
-Parmi les problématiques posées par les partis, il y a celle du respect du quota de femmes dans chaque liste de candidatures. Est-il judicieux d'imposer une telle représentativité pour les élections locales ?
La Constitution algérienne, à travers l'article 29, consacre l'égalité entre l'homme et la femme. Mais dans la réalité, cette loi est loin d'être appliquée comme en atteste l'absence des femmes dans la vie politique du pays. Le pouvoir algérien reconnaît que la femme devrait avoir les mêmes droits que les hommes. Seulement, rares sont les responsables politiques qui joignent le geste à la parole. On ne fait appel aux femmes que lorsqu'on veut s'afficher devant les délégations étrangères ou pour s'occuper des commissions de femmes. La femme est reléguée au second plan quand il s'agit d'accéder à un poste de responsabilité. Le nouveau texte stipule que toute liste de candidats aux élections législatives, APW et APC, des communes de plus de 20 000 habitants doit comporter une proportion de candidates qui ne saurait être inférieure à son tiers.
Le non-respect de cette disposition entraînera le rejet de la liste concernée. Quant à la nouvelle disposition que la révision a rajoutée, elle dispose que «l'Etat œuvre à la promotion des droits politiques de la femme en augmentant ses chances d'accès à la représentation dans les assemblées élues». Nombreux sont ceux qui pensent que le système des quotas est une discrimination à l'encontre des militantes qui mènent un combat et une lutte acharnés pour l'émancipation de la femme. Le mouvement féministe, qui a gagné ses lettres de noblesse dans les années 1970, 1980 et 1990, est devenu un instrument du pouvoir dans les années 2000. Sans grande surprise, la lutte pour faire amender le texte de loi consacrant l'infériorité de la femme, comme une personne mineure, est abandonnée au profit des luttes de sérail. L'instrumentalisation de la femme dans le discours officiel vise à crédibiliser davantage le populisme comme une idéologie dominante.


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