La Pharmacie centrale des hôpitaux (PCH), unique importatrice de ces produits pour plus de 9 millions de dollars, se retrouve coincée et est à la recherche d'autres fournisseurs. Le traitement pour les hémophiles, le facteur de coagulation (facteur VIII antihémophilique), risque de connaître une sérieuse pénurie. Le fournisseur indien, Reliance Life Sciences Pvt Ltd, à qui les deux tiers du marché ont été attribués en janvier dernier pour la première fois, vient d'exprimer son incapacité à livrer toutes les quantités demandées après avoir expédié seulement 1000 flacons sur les 72 000 prévus. Une décision qui suscite de vives interrogations, sachant que le produit en question a fait l'objet de réticences de la part du comité des experts lors de son enregistrement. Des doutes planent également au sein de la corporation sur l'authenticité de la matière première (plasma) qui serait, d'après le ministère de la Santé, livrée par un laboratoire américain, Talcris, puis enregistrée sur la base d'un certificat du laboratoire français de fractionnement biologique (LFB). L'annulation de cette commande serait liée, selon certaines sources, aux problèmes d'intolérance provoqués par un autre dérivé de sang (albumine humaine) utilisé dans certains hôpitaux. L'information avait été publiée par El Watan le mois dernier. Les deux produits sont fabriqués à partir de la même matière première, à savoir le plasma (sang dégagé des globules blancs et rouges), importé d'Inde par ce même laboratoire. La PCH, unique importatrice de ces produits pour plus de 9 millions de dollars, se retrouve coincée et est à la recherche d'autres fournisseurs. Ce produit figure sur la liste des 20 médicaments, toutes classes thérapeutiques confondues, qui ont bénéficié d'un enregistrement forcé par le ministère de la Santé, en janvier dernier, après l'attribution des marchés en décembre 2011 dans le cadre de l'appel d'offres de la PCH de 2010 et dont la qualité est jugée douteuse par les spécialistes. Une procédure contraire aux dispositions des cahiers des charges et au code des marchés, violés sur instructions de l'ex-ministre de la santé, M. Ould Abbès, et de son secrétaire général, M. Bouchnak, qui occupe toujours le même poste. Un état de fait dénoncé par les opérateurs de la pharmacie et les spécialistes en la matière dans El Watan. Quelques mois après, les hématologues et chefs de service des CHU du pays, réunis à l'hôtel Hilton à Alger, ont signé un PV dans lequel la décision de ne pas prescrire facteur VIII a été adoptée à l'unanimité. «La qualité de ce produit reste douteuse», ont-ils déclaré. Malgré les écrits de la presse, les réticences des experts et la protestation de l'Association des hémophiles qui a organisé un sit-in devant le ministère de la Santé, le 11 janvier dernier, pour exiger l'annulation de l'importation de ces dérivés de sang venus de Chine et d'Inde, la PCH a maintenu sa commande. Une année après, elle se retrouve dans l'obligation de résilier le contrat et probablement de bloquer la distribution des 1000 flacons réceptionnés qui sont encore au niveau du Laboratoire national de contrôle des produits pharmaceutiques (LNCPP). Actuellement, des démarches sont engagées par la PCH auprès de certains laboratoires de référence dans le domaine des dérivés de sang, tels Biotest, Baxter et autres, pour acquérir les quantités nécessaires. La présidente de l'Association des hémophiles, Melle Lamhen, qui se félicite de cette annulation, avait déclaré l'année dernière : «Au moment où l'on promet aux malades d'être traités avec des produits recombinants plus sécurisés, la PCH nous offre des dérivés issus de donations de Chine et d'Inde, sans prendre l'avis des médecins et ignorant le bien-être des malades, 60% des hémophiles sont porteurs du virus de l'hépatite C (HCV) et 1% du VIH, alors que tous sont traités en Algérie.» Et de s'interroger : «La PCH peut-elle garantir ces produits aux hémophiles et l'Algérie dispose-t-elle de moyens de contrôle efficaces pour éviter des contaminations ?» A noter que sur la liste des 33 produits dont le marché a été attribué à la mi-décembre 2011, malgré l'absence de décisions d'enregistrement, figurent des anticancéreux Epirubicine, Cytarabine, Oxaliplatine (un anticorps monoclonal), Rutiximab sous forme de copie non identifiée, des dérivés sanguins dont l'albumine humaine et le facteur 8 antihémophilique.