Des universitaires se sont intéressés aux cas des «nouvelles villes» qui se sont révélées des concentrations d'habitats collectifs où règnent l'inconfort et l'insécurité. Après le diagnostic économique effectué par plusieurs universitaires participant au symposium du CRASC sur l'apport des sciences sociales et humaines dans le changement, les intervenants d'hier ont traité du rapport qu'entretient la société avec l'espace et le territoire. Les urbanistes ont établi un diagnostic du secteur du logement et des villes. Madani Safar Zitoun a intitulé sa communication : «Changement social et mutations urbaines en Algérie». Il distingue deux phases, celle relative à l'appropriation du patrimoine hérité de l'ère coloniale et celle qui associe la cession des biens de l'Etat et la distribution des nouveaux logements. «Après l'indépendance, l'Etat se retrouve de fait propriétaire de 70% du parc immobilier qu'il a dû gérer dans un premier temps», a-t-il indiqué, avant d'évoquer le système des quotas (APC, entreprises publiques, etc.) à qui a été confiée pendant un certain temps la tâche de distribuer des logements. Pour lui, «cette machinerie de relogement» a généré un positionnement de différents groupes en attente à Alger (l'exemple étudié) en introduisant une sorte de compétition entre groupes éligibles. Son étude concerne notamment la cité Diar El Kef qui concentre la notion de groupe solidaire, sa capacité de mobilisation, mais aussi ce qu'il nomme le «raidissement identitaire» lorsqu'il y a des couacs dans la gestion de l'opération de distribution. «En ôtant aux collectivités locales, donc aux élus, la prérogative de distribuer les logements, l'Etat se voulait garant de l'équité. Celui-ci, explique-t-il, utilise des critères individuels (système de notation : revenu, nombre de personnes à charge, ancienneté, etc.) mais la situation à laquelle il fait face, ce qu'il retrouve devant lui, ce ne sont pas uniquement des individus mais des groupes.» Le processus d'appropriation des logements dans la période postcoloniale ainsi que les modes d'occupation et l'utilisation du logement ont été la préoccupation de Abderrahim Hafiane (université Badji Mokhtar de Annaba) dont la communication a été lue par son homologue. La problématique concerne notamment le logement collectif où on a constaté les rapports dissonants et conflictuels par rapport à la sérénité qui caractérise, selon l'auteur, la ville traditionnelle. Urbaniste de terrain, Abderrahim Hafiane a ensuite développé une réflexion sur le rapport entre les projets ou les politiques urbaines et la pratique sur le terrain. INCOHERENCES Il constate un manque de cohérence entre les instruments (SNAT validé à l'échelle centrale, PDAU et POS relevant de prérogatives régionales). Il y a, selon lui, de l'ordre dans le système, mais un manque de cohérence dans les instruments de conception. Il concède cependant qu'un instrument comme le PDAU descend à une échelle de détail qui n'avait pas été prévue dans les politiques précédentes, ce qui suppose une évolution. Sa conclusion est que la société fabrique de l'urbain, mais qui reste difficile à intégrer par les instruments, ce qui rend difficile le travail de l'urbaniste. La difficulté est d'autant plus palpable lorsque les produits de ce dernier ne sont pas appliqués où alors soumis à des pressions diverses. «Derrière l'apparence technique, il y a, indique-t-il, le politique qui intervient dans l'aménagement de l'urbain.» Le chaos urbain est une notion qui peut caractériser la situation de certaines villes algériennes avec les problèmes générés par la surpopulation, la congestion, l'insécurité, la ségrégation spatiale et les déséquilibres entre les centres et les périphéries. Ces indicateurs sont évoqués par Saïd Mazouz de l'université Mohamed Khider de Biskra qui a analysé les solutions proposées par l'Etat. «L'Etat a essayé de corriger en renforçant les villes moyennes et en créant des villes nouvelles mais, selon un bilan qui reste provisoire, le premier correctif a eu un effet limité pour manque d'épaisseur économique pour équilibrer la pression urbaine et les nouvelles villes n'ont pas encore produit les effets escomptés.» L'universitaire de Biskra, qui a exposé les cas de la nouvelle ville Ali Mendjelli de Constantine, constate «la persistance de la non-ville» caractérisée par les concentrations d'habitat collectif devenus souvent des îlots où règne l'insécurité, les larcins, les délits, etc. Plus intéressante est l'étude de la cité des 500 Logements de Biskra qu'il a suivie depuis 20 ans. A l'origine, les logements étaient attribués aux enseignants (80%) et au personnel apparenté. En 2012, il ne reste que 20% des résidents originaux dont seulement 10% d'enseignants. Pour ce chercheur, «c'est là un exemple type de mobilité, vers des lotissements promotionnels pour certains ou vers des espaces de confort ou des enclos sécurisés pour d'autres». L'habitat collectif a enregistré une évolution avec la généralisation du modèle des tours et des barres qui a montré ses limites dans un pays comme la France. Pour Saïd Mazouz, en Algérie, les usages dynamiques sont très peu observés dans ce genre d'habitat et interpellent les chercheurs sur un double plan : urbain mais aussi social.