La Tunisie vit aujourd'hui une des phases les plus sensibles de son histoire. L'espoir qu'avait semé la révolution du Jasmin en 2011 connaît une sérieuse menace avec l'assassinat de l'opposant Belaïd Chokri, hier, devant son domicile. Le fleuve et l'élan démocratiques seront-ils détournés ? L'avenir apportera les réponses, mais la crainte aujourd'hui est de voir tous les efforts consentis par le peuple tunisien pour la démocratie dévoyés et servir les fossoyeurs des libertés. L'annonce de l'assassinat de l'opposant tunisien a jeté l'effroi dans la société tunisienne. La classe politique a vite fait de dénoncer cet attentat contre l'opposant et contre la marche de la révolution démocratique. Le président tunisien, Moncef Marzouki, qui se trouvait au Parlement européen hier, a dénoncé «l'odieux assassinat d'une figure d'opposition de gauche». Emu, Marzouki a affirmé que «l'odieux assassinat du leader politique que je connais bien est une menace, c'est une lettre envoyée, mais qui ne sera pas reçue». Le président tunisien, qui est rentré d'urgence en Tunisie après l'annonce de la mort de Belaïd Chokri, a ajouté : «Nous refusons ce message et nous continuons à démasquer les ennemis de la révolution. Le chemin est semé d'embûches pour la Tunisie avec une violence verbale orchestrée, des marabouts brûlés et le drame survenu ce mercredi (hier, ndlr).» «Nous avançons sur un chemin extrêmement étroit, balisé de plusieurs difficultés : la révolution, c'est simple, l'après-révolution, c'est compliqué», indique le chef d'Etat. Le discours de Marzouki a suscité beaucoup d'émotion dans l'assistance, dont une partie a même versé des larmes, à l'image du député vert, Daniel Cohn-Bendit, et le chef de file des conservateurs, Joseph Daul. A la fin du vibrant discours, les parlementaires européens, toutes tendances confondues, se sont levés pour ovationner le président tunisien qui était aussi attendu le jour même au Caire pour la tenue du sommet de l'Organisation de la coopération islamique, mais il a annulé sa participation en faisant vite de rentrer en Tunisie où des manifestations de dénonciation et de rejet de la violence s'y déroulaient. Dans son discours bilan du printemps tunisien, Marzouki a promis de «protéger le mode de vie de la Tunisie moderniste, de défendre toutes les libertés et de protéger les acquis de la femme», avant de souhaiter recevoir de nouveaux appuis de l'Europe, sous forme économique. Quatre formations de l'opposition tunisienne, à savoir le Front populaire, le Parti républicain, Al Massar et Nida Tounès, ont lancé hier un appel à la grève générale pour aujourd'hui et annoncé la suspension de leur participation à l'Assemblée nationale constituante. Alors que les parents de Belaïd Chokri ont accusé les islamistes d'Ennahda d'être derrière son assassinat, le Premier ministre tunisien, Hamadi Jbali, qui est aussi secrétaire général du parti Ennahda, a qualifié cet assassinat «d'acte terroriste contre toute la Tunisie». «C'est un acte criminel, un acte de terrorisme pas seulement contre Belaïd, mais contre toute la Tunisie» a-t-il affirmé. Le parti Ennahda a attribué «l'entière responsabilité de ce crime aux parties ayant fomenté l'assassinat» et appelé les services de sécurité à «déployer des efforts pour dévoiler l'identité des criminels, les traduire devant la justice et éclairer l'opinion publique sur leurs desseins», alors que des centaines de personnes se sont rassemblées devant le ministère de l'Intérieur réclamant justice.