Comme il fallait s'y attendre, les autorités judiciaires du makhzen se sont montrées intraitables face à la requête des détenus sahraouis ayant demandé à être jugés par une juridiction civile. La cour militaire de Rabat a prononcé hier sa sentence sans appel en rejetant le recours introduit par les 24 Sahraouis accusés du meurtre de membres des forces de l'ordre. Le procès militaire, qui s'est ouvert le 1er février après plusieurs reports, est suivi de près par nombre d'observateurs internationaux, compte tenu de la sensibilité de la question du Sahara occidental, région contrôlée par le Maroc mais revendiquée par des indépendantistes. Il s'est poursuivi hier par l'audition des accusés, au lendemain du rejet du recours présenté par les avocats de la défense, selon l'agence MAP. Ces recours, qui se rapportaient à «la non-compétence du tribunal militaire» mais aussi au «non-respect du principe du procès public», ont été rejetés en raison de «l'absence de bases juridiques», d'après la même source. A l'ouverture du procès, Amnesty International avait estimé que «le procès de civils devant une cour militaire» ne répondait «pas aux normes internationales reconnues pour un procès équitable». «Les allégations de torture (...) doivent faire l'objet d'une enquête», avait ajouté l'ONG dans son communiqué. Réunies au sein d'une association, les familles des membres des forces de l'ordre tués réclament, pour leur part, justice et rejettent toute instrumentalisation politique. Hymne sahraoui dans l'enceinte du tribunal militaire… A l'ouverture de cette troisième audience du procès, les accusés, en tenue traditionnelle, ont brandi des «V» de la victoire et chanté l'hymne national sahraoui au moment où, à l'extérieur, leurs familles organisaient un rassemblement en scandant des slogans contre leur comparution devant un «tribunal militaire illégitime» et revendiquaient l'ouverture d'une «enquête juste et honnête» sur le démantèlement, le 8 novembre 2010, par les forces marocaines du camp de Gdeim Izik, proche d'El Ayoun occupée, au Sahara occidental. Le tribunal a toutefois retenu tous les chefs d'accusation contre les accusés ainsi que la liste, contestée, des témoins présentée par le procureur général. Les prisonniers politiques sahraouis, en détention depuis plus de 27 mois, sont notamment accusés d'«atteinte à la sécurité intérieure et extérieure de l'Etat, formation d'une bande criminelle et atteinte aux fonctionnaires publics dans le cadre de l'exercice de leurs fonctions». Plus de 20 000 Sahraouis avaient, à l'automne 2010, élu domicile dans le camp de Gdeim Izik, où ils avaient dressé quelque 3000 tentes pour «défendre leurs droits politiques, économiques et sociaux», avant d'en être délogés par les forces d'occupation marocaines. Des observateurs européens, pour la plupart des magistrats, avocats et militants des droits de l'homme, ainsi que des eurodéputés, assistent au procès. Selon des ONG, les prévenus risquent la peine de mort.