Le poulet de chair connaît une baisse sensible du prix sur le marché. Cette situation met dans une situation inconfortable les éleveurs avicoles. Dans plusieurs régions du pays, les professionnels de la filière tirent, d'ores et déjà, la sonnette d'alarme, pour prévenir les pouvoirs publics contre une asphyxie financière certaine. Sur le marché de détail, le prix du poulet a dégringolé pour passer sous la barre des 200 DA/kg pour le poulet préparé et mis sous emballage. Le poulet vif se négocie à 150 DA/kg au détail. Cependant, sur le marché de gros, les voyants sont au rouge : les prix oscillent entre 100 et 120 DA/kg. Avec une telle baisse, les éleveurs comptabilisent des pertes sèches qui mettent à mal leur santé financière. Première conséquence de cet effondrement des prix, les éleveurs, dans leur majorité, ont entamé la liquidation de leur élevage, même au détriment de leur marge bénéficiaire, et ce, pour éviter l'accumulation des charges (aliments, produits vétérinaires, électricité, etc.), sachant que ce sont des charges supplémentaires qui ne peuvent être amorties avec le niveau actuel des prix de vente. Cependant, pour les mois à venir, la tendance risque de s'inscrire dans le sens inverse, comme cela a toujours été le cas. Pour cause, les éleveurs avicoles sont quasiment unanimes à reconnaître qu'ils s'apprêtent à mettre en veilleuse leur élevage dans les mois à venir, en attendant le relèvement des prix sur le marché. Une baisse de l'offre est donc à attendre pour les semaines à venir, chose qui provoquera une nouvelle flambée, qui mettra dans la gêne les bourses moyennes et fera revivre les situations difficiles d'il y a quelques mois, lorsque le prix du poulet a frôlé les 400 DA/kg et qui a rendu le produit inaccessible aux populations à faible revenu. De leur côté, les pouvoirs publics tentent d'intervenir afin d'endiguer les dégâts d'une telle situation sur la trésorerie des acteurs de la filière. A cet égard, les services du ministère de l'Agriculture et du Développement rural ont fait savoir que le premier responsable du secteur, Rachid Benaïssa, a ouvert le débat avec les représentants des aviculteurs, à l'occasion d'une réunion qu'il a tenue à la mi-mars dernier avec le comité interprofessionnel de la filière avicole. Jusque- là, aucune mesure d'urgence n'a été prise pour sauver cette filière qui vient de subir une nouvelle fragilité. Néanmoins, le ministre a réitéré le dispositif mis en place il y a quelques années déjà pour garantir la régulation de la filière. Il s'agit à cet égard du rachat par les services publics de grandes quantités de viandes blanches dans le cadre du Syrpalac (Système de régulation des produits agricoles de large consommation) dont l'objectif est d'absorber les surplus de production qui entraînent la baisse des prix. Ne voulant pas être alarmistes, les services du ministère de tutelle considèrent cette réunion comme étant ordinaire «qui n'a aucun cachet d'urgence». Cependant, il y a lieu de s'interroger sur l'origine de cette baisse sensible et spontanée des prix qui touche uniquement le poulet de chair sur le marché. Sinon, comment expliquer qu'à l'inverse, les autres produits avicoles observent le même niveau de prix sur le marché sinon une hausse relative. C'est le cas des œufs qui sont cédés actuellement sur le marché de détail à 12DA/unité, ou de la viande de dinde dont le prix est à leur niveau habituel. Pourtant, si l'on se réfère au bilan arrêté par le ministère de tutelle pour l'année dernière, la production nationale de viandes blanches ne fait que croître, dépassant, en 2012, les 900 millions de quintaux. La wilaya de Bouira, à elle seule, concentre 12% de la production nationale avec un volume de plus de 115 000 quintaux, alors que les wilayas de Tlemcen, Batna et Sétif englobent 22% de cette production avec un total dépassant les 200 000 quintaux. L'ONILEV accuse les opportunistes Mis en place dans le but exclusif de garantir la régulation des filières de produits frais, l'Office interprofessionnel des légumes et viandes (Onilev) tente de décrypter les facteurs qui sont à l'origine de la situation difficile que traverse actuellement la filière avicole. Interrogé à cet égard, un responsable de l'Onilev donnera sa vision : «En fait, c'est assez simple. Lorsque les prix du poulet flambent, il y a un rush des opportunistes. Ils achètent de grandes quantités de poussins d'un jour et le résultat, deux mois après : une forte production, bien plus importante que la demande et les prix chutent automatiquement. Actuellement, le prix des poussins sont en baisse faute de preneurs. Cela veut dire que dans deux mois la production risque ne pas être bonne et les prix vont flamber.» Pour faire face à cette situation, l'Onilev a pris des mesures en faveur des éleveurs. En fait, bien qu'il ne procède pas à l'achat direct, l'Office assure une prime de stockage pour ceux qui rachètent le surplus de production. En conséquence, «des contacts ont été pris avec l'ONAB (Office national des aliments de bétail) qui est en train d'acheter ce surplus à 170 DA le kilogramme pour éviter la faillite des producteurs. Mais le surplus est vraisemblablement trop important parce que les prix ne remontent pas encore», a fait savoir la même source ajoutant que «le problème de fond, c'est le fait que 80% des producteurs algériens sont des petits élevages». Dans la phase actuelle, il est impossible d'estimer le surplus de production, parce qu'il y a de très nombreux producteurs qui ne déclarent pas leur élevage et préfèrent évoluer dans un cadre informel. L'évaluation faite par l'Onilev sur la caractérisation de la filière avicole fait ressortir que les gros producteurs qui travaillent dans les normes ne représentent que 20% du marché. Ce qui laisse conclure que «la filière avicole vit les mêmes problèmes que ceux que vivait celle de la pomme de terre entre 2000 et 2007». Actuellement, l'Onilev est entré en concertation avec les représentants de la filière pour mieux la structurer et faire comme cela a été fait avec la pomme de terre, pour décourager les opportunistes et spécialiser les producteurs. Néanmoins, pour atteindre les objectifs tracés en la matière, il y a des préalables, comme l'augmentation des capacités de stockage sous froid, qui sont actuellement très insuffisantes. Pour cela, la SGP Proda a un grand projet dans ce sens. Mais il faut aussi encourager le privé à investir dans ce créneau. D'autre part, il y a eu la mise en place du mécanisme triangulaire qui est une sorte de travail en collaboration entre l'ONAB et les éleveurs. Celui-ci s'engage à fournir le poussin et l'aliment aux éleveurs qui, de leur côté, livrent leur production à l'office à des prix négociés préalablement. Auprès de l'Onilev, on fait savoir que «le dispositif est opérationnel et donne d'ores et déjà d'excellents résultats. En revanche, la contrainte qui a fait son apparition est le fait qu'une grande partie des capacités de stockage disponibles est occupée. C'est d'ailleurs pour cette raison que le surplus de production de cette année n'a pas été totalement absorbé». Au sujet des infrastructures de stockage sous froid, il semble que les opérateurs privés ayant bénéficié de crédits bancaires pour investir dans ce créneau, utilisent plutôt leurs équipements (chambres froides) pour alimenter la spéculation, provoquer des pénuries puis faire monter les prix, comme cela s'est vérifié récemment avec l'oignon ou la pomme de terre. A cet égard, l'Onilev reconnaît qu'il y a la part de la spéculation certes, mais dans tous les cas de figure, les capacités de stockage demeurent quand même insuffisantes. «Nous sommes bien en deçà des normes », a conclu le représentant de cet office.