Ils ne le disent pas publiquement pour d'évidentes commodités diplomatiques, mais ils le font savoir via les médias. Les responsables français sont visiblement très embarrassés par le séjour qui s'allonge du président Abdelaziz Bouteflika. Paris se retrouve, à son corps défendant, à gérer par procuration l'évolution de l'état de santé du président algérien, objet d'intenses rumeurs en France comme en Algérie. Le fait est que ce «précieux» patient commence à devenir encombrant aux Invalides. Les dernières rumeurs, relayées par les médias le donnant pour mort, peuvent être interprétées comme des fuites organisées par le gouvernement français, qui en a assez de garder secret l'état de santé d'un Président à l'ère des réseaux sociaux. Il est en effet significatif de noter que le journal Le Parisien, qui avait déclaré Bouteflika définitivement inapte à reprendre ses fonctions, se soit appuyé sur les confidences d'une «haute source diplomatique». Il serait naïf de croire qu'un diplomate pouvait se hasarder à lâcher un aussi gros morceau s'il n'avait pas été encouragé à le faire. Aussi, cette source s'est-elle permis un «conseil» aux décideurs algériens de faire preuve de «sagesse» pour enclencher un processus pacifique de succession à un Bouteflika jugé hors course. Un peu plus d'une semaine après, c'est un journal connu pour être proche de l'armée française, Valeurs Actuelles, qui en remet une louche ; un court article paru lundi sur son site internet, précédé du qualificatif «exclusif», annonçait que le président algérien Abdelaziz Bouteflika serait dans «l'incapacité totale» de reprendre un jour ses fonctions. Valeurs Actuelles précise que son information a été «recueillie par la rédaction aux meilleures sources». Le journal souligne, citant ses sources, que «l'état de santé du président algérien s'est très sérieusement dégradé» et qu'il serait inconscient, mais «la nouvelle est gardée secrète pour mieux verrouiller sa succession». Impossible évidemment de connaître la (ou les) source(s) de Valeurs Actuelles. On devrait donc se contenter du «pedigree» éditorial de ce journal, dont la ligne droitière ne s'est jamais démentie et qui est réputé proche de Nicolas Sarkozy. Quoi qu'il en soit, les autorités françaises présentent des signes d'impatience face à la prolongation du séjour au Val-de-Grâce puis aux Invalides du président Bouteflika. Plusieurs hauts responsables français ont été amenés, ces derniers jours, à communiquer à la place de leurs homologues algériens sur cet inévitable sujet. A commencer par le chef du Quai d'Orsay, Laurent Fabius, qui a été le premier à avoir confirmé que le président Bouteflika se trouvait bel et bien en France. Il sera relayé quelques jours après par son collègue de la Défense, Jean-Yves Le Drian, qui a révélé que M. Bouteflika avait quitté l'hôpital du Val-de-Grâce pour rejoindre l'institution des Invalides qui dépend de son administration. Et pour boucler la boucle de cette communication française destinée à la consommation algérienne, le président Hollande a consenti une petite phrase dans un entretien à France 24. Il y confirmait que le président Bouteflika a été transféré dans un autre établissement militaire de la capitale française pour «y poursuivre sa convalescence». Le locataire de l'Elysée a tout de même ajouté, un tantinet énigmatique, «il aura ensuite à rentrer, j'espère le plus vite possible, dans son pays». Les jours s'allongent, la patience française semble, elle, atteindre ses limites…