En 10 jours (du 27 mars au 10 avril 2013), plus de 550 millions de médicaments illicites ont été saisis dans des ports africains pour une valeur de plus de 275 millions de dollars. L'opération a mobilisé 23 administrations douanières africaines dont les Douanes algériennes. L'Algérie semble échapper à ce fléau, tout au moins aucune saisie n'a été opérée dans le cadre de l'opération Biyela. C'est aussi parce que l'Algérie dispose d'une réglementation plus rigoureuse en matière d'importation et de distribution des médicaments. Paris. De notre correspondante L'opération Biyela, d'une ampleur sans précédent – qui a fait l'objet d'une présentation à la presse, jeudi à Paris – montre si besoin est la profondeur et l'amplitude du trafic de médicaments et produits sanitaires dangereux pour la santé humaine dont sont victimes les populations africaines. C'est «un fléau explosif à l'échelle mondiale», touchant particulièrement les pays insuffisamment protégés par des systèmes législatifs ou sanitaires nationaux, ont précisé les responsables des organisations à l'origine de l'opération Biyela, soit l'Organisation mondiale des douanes (OMD) et l'Institut de recherche anti-contrefaçon de médicaments (IRACM) en association avec les administrations douanières des 23 pays concernés, dont l'Algérie. En octobre 2011, l'OMD et l'IRACM annonçaient des résultats inédits : 82 millions de comprimés présentant un danger pour la santé des patients ont été interceptés en trois jours lors de l'opération Vicegrip'S 2, menée dans 16 ports du continent africain et ciblant plus particulièrement les envois maritimes susceptibles de contenir des produits de santé contrefaits. Au vu de ces résultats, l'OMD, avec le soutien de l'IRACM, a décidé de lancer l'opération Biyela. Après 10 jours d'action sur le terrain (du 27 mars au 10 avril 2013), les douaniers ont intercepté plus d'un milliard de produits illicites parmi lesquels 550 millions de médicaments dont des antipaludéens, des antibiotiques, des anti-inflammatoires, des antidiabétiques, des compléments alimentaires… entrant illégalement soit en contrebande, soit sans autorisation de mise sur le marché ou avec une autorisation falsifiée et contenant, pour certains d'entre eux, des substances potentiellement mortelles, précisent les initiateurs de l'opération. En amont de cette phase opérationnelle, les douaniers locaux (à raison de deux par pays) participant à l'opération ont été formés durant trois jours à reconnaître les caractéristiques techniques des différents produits susceptibles d'être contrefaits. Ils ont également été sensibilisés aux nouvelles méthodes d'enquête par les experts de l'OMD, signale Kunio Mikuriya, secrétaire général de l'OMD. L'état des lieux de la contrefaçon en Afrique est «catastrophique». «C'est une véritable pandémie. On découvre chaque jour des centaines de produits contrefaits dans tout ce qui se vend et s'achète : on va jusqu'à contrefaire des sacs de sucre en poudre ou du sang humain… Tous les secteurs d'activité sont touchés», souligne Christophe Zimmermann, coordinateur de la lutte anti-contrefaçon au sein de l'OMD. Et d'ajouter que «ce crime du XXIe siècle est un crime contre l'humanité». Il s'adapte et évolue, il utilise particulièrement des ports et des zones franches. Il est encouragé notamment par l'absence ou l'insuffisance de dispositifs législatif et judiciaire au niveau des Etats, par la corruption, le manque de suivi et de poursuites. «Les faux médicaments tuent» Il y a des pays où il n'y a pas de système de sécurité sociale ; dans beaucoup de pays d'Afrique subsaharienne les médicaments s'achètent dans la rue, ils sont aussi moins chers. «Fausses marchandises, faux documents de transport, fausses autorisations pour les médicaments, on est dans un monde de faux», ajoute M. Zimmermann. Et il précise que des faux médicaments sont quelquefois mélangés avec des vrais, dans des conteneurs de plus de 27 tonnes qu'il faut vider manuellement. «Pour dénoncer la contrefaçon de médicaments, l'IRACM a fait sienne la formule délibérément choc «les faux médicaments tuent», signale Jacques Franquet, son directeur. Et il précise que «chaque faux médicament ingéré expose le patient à un risque sanitaire réel. Les faux médicaments sont produits dans des conditions d'hygiène déplorables.Dans les pays en voie de développement, les produits concernés sont de toutes les classes thérapeutiques, mais ceux les plus souvent contrefaits sont ceux qui interviennent dans les traitements contre le VIH, le paludisme et la tuberculose». L'IRACM constitue aujourd'hui le seul organisme international indépendant qui a pour vocation exclusive de lutter contre la contrefaçon et la falsification de médicaments, et cela par le biais, notamment, de la sensibilisation et de la formation. Association française régie par la loi 1901, initiative du groupe Sanofi, l'IRACM intervient dans le domaine de l'information, de la prévention et de la formation.