Il plane comme une odeur de soufre au Mali qui s'apprête à élire un président de la République pour donner un semblant de légitimité à un pouvoir de fait. A une semaine de ce rendez-vous tant attendu, la situation y est pourtant de moins en moins rassurante. Surtout au Nord qui s'est pratiquement détaché, voilà près d'une année, de Bamako. Il y a d'abord de vrais soucis organisationnels. Tous les Maliens n'ont pas encore leur carte d'électeur. Des milliers de Maliens ne pourront donc pas accomplir leur devoir. La faute à un fichier électoral basé sur le recensement de… 2009. Mais au Mali où l'instabilité dure depuis le coup d'Etat militaire de mars 2012, on ne semble pas trop s'arrêter sur ces petits «détails». On fait tout pour ne pas louper le rendez-vous du 28 juillet afin de donner au pays un Président plus au moins consensuel. C'est aussi ce que souhaitent la France et l'ONU, dont les troupes sont précisément appelées à jouer un rôle majeur dans la sécurisation du scrutin présidentiel. Et si la mission paraît plutôt aisée à Bamako, voire dans toute la région qui s'étend du centre au sud du Mali, tel n'est pas le cas au Nord. A Kidal, où les Touareg sont «chez eux», le cœur n'est pas trop aux élections. Il a suffi qu'une escouade de 150 soldats de l'armée malienne pointe du nez là-bas conformément à l'accord de Ouagadougou, pour que la tension monte de plusieurs crans. Le retour de l'administration pour encadrer l'élection présidentielle n'y est pas non plus désiré. Vendredi dernier, des violences ont éclaté dans la ville de Kidal entre Touareg et Noirs, ayant fait, selon un bilan officiel, au moins quatre morts et plusieurs blessés, sur fond de pillages et d'incendies. Hier, c'étaient quatre agents électoraux et un élu de la localité de Tessalit qui ont été enlevés par des hommes armés. Ce climat délétère caractérisé par une hostilité manifeste des gens vis-à-vis des militaires et des fonctionnaires s'ajoute au refus «politique» des Touareg de cautionner le scrutin du 28 juillet qui ne les «concerne pas». Le Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA) a accepté du bout des lèvres que l'armée et l'administration malienne reviennent à Kidal qu'il contrôle depuis février dernier. Mais ces assassinats et enlèvements ne sont pas de nature à rassurer les 35 000 électeurs de cette région si particulière du Mali à aller voter. Pour cause, beaucoup parmi les responsables du MNLA, évidemment parmi la population targuie, craignent que les urnes du 28 juillet leur soient fatales. C'est pourquoi, le boycott de la présidentielle est quelque part une façon de souligner leur attachement à «l'Etat azawadien» ou tout au moins à un territoire doté d'une large autonomie de Bamako.