L'année scolaire 2013-2014 s'est ouverte hier sur fond de surcharge des classes. Les élèves des cycles moyen et secondaire se retrouveront encore une fois dans l'obligation de se bousculer avec plus de quarante élèves par classe. Un problème crucial qui a déjà marqué la rentrée scolaire 2012-2013 et celles d'avant pour différentes raisons. Si l'application de certaines mesures portant sur la réforme du système éducatif est à l'origine de cette surcharge, d'autres facteurs d'ordre économique et organisationnel (non respect de délais de réalisation et absence de prévisions et de planification dans la gestion) expliquent aussi ce problème, lequel n'est pas sans conséquences sur la scolarisation des élèves. C'est le cas dans de nombreuses wilayas où la réalisation des infrastructures scolaires enregistre un grand retard, notamment pour ce qui est des lycées où le problème se pose avec acuité. A Alger par exemple, la surcharge des classes se fait lourdement ressentir au niveau des banlieues est et ouest, avec plus de 40 élèves par classe. Le ministre de l'Education nationale, Abdelatif Baba Ahmed, n'a pas manqué de le souligner promettant la réception de nouveaux projets pour faire face à ce problème. Ce n'est pas la première fois que de telles promesses sont faites. A chaque approche de la rentrée scolaire, on annonce la réception de nouveaux établissements, mais ce n'est pas toujours le cas. Les échéances sont rarement respectées et quand elles le sont, les écoles présentent des anomalies et des malfaçons. Et pour cause, les entrepreneurs ne respectent pas les cahiers des charges, bâclant les travaux et retardant la réception des écoles. Parents d'élèves, enseignants, syndicalistes et même les responsables de l'Education nationale ne cessent d'ailleurs d'aborder l'ampleur de ce problème. Ce ne sont pourtant pas les dépenses qui manquent dans un secteur qui bénéficie de l'un des plus importants budgets de l'Etat (le deuxième après celui de la défense). C'est plutôt la planification et la bonne gouvernance qui font défaut. Sinon comment expliquer qu'une réforme soit appliquée sans préparation des moyens nécessaires et comment expliquer aussi que de nouvelles cités sont réalisées un peu partout à travers le pays dans le cadre de l'extension urbaine sans infrastructures d'accompagnement à l'image des écoles ? Doutes sur la passation des marchés pour la réalisation des écoles «La réforme de l'éducation a été entamée il y a plus de dix ans, les responsables du secteur ne se sont pas préparés au changement. Une fois l'application de la réforme commencée, ils savaient bien qu'il y aurait deux vagues au CEM (les 5e et 6e années primaires) pourquoi alors ne pas prévoir ce fluxd'élèves dans les collèges et les lycées ?», s'interroge Khaled Ahmed, président de l'Union nationale des associations de parents d'élèves, qui ajoutera : «Jusqu'à présent, nous n'avons pas de statistiques sur les élèves admis au CEM et ceux admis au lycée dans chaque commune pour préparer les infrastructures nécessaires. On continue à faire dans le bricolage.» Le président de l'Union des associations des parents d'élèves pose un autre problème et non des moindres. Ce dernier concerne les conditions d'octroi des marchés de réalisation des écoles. «Tout se fait dans le flou. On donne les projets à des entrepreneurs qui n'ont ni les connaissances qu'il faut ni les moyens pour construire les écoles et livrer à la fin des projets hors normes. On décide ainsi pour d'autres considérations. Par exemple, à la direction de l'éducation d'Alger Est, les responsables issus de Bou Saâda et M'sila ont opté pour des entrepreneurs de la région. N'y a-t-il pas des opérateurs capables de réaliser les projets à Alger», s'interrogera encore M. Khaled qui nous donnera l'exemple d'une école primaire de 12 classes réalisée à Sidi Moussa avec des matériaux de construction contrefaits. «Jusqu'à présent, les responsabilités ne sont pas situées autour de ces malfaçons et l'école est toujours fermée», regrette-t-il. De nouveaux sites urbains sans écoles Pour sa part, Abdelhamid Boudaoud, président du Collège national des experts architectes (CNEA) qui a eu à suivre de tels projets, explique la surcharge des classes par l'absence des infrastructures d'accompagnement. «Les zones d'habitat qui ont été construites à ce jour ont porté principalement sur le logement. Les structures d'accompagnement n'ont pas suivi, ce qui justifie le manque d'équipements scolaires.» En effet, tout au long des deux voire trois dernières années, des opérations de relogement ont été lancées (notamment dans le cadre de la résorption de l'habitat précaire) sans assurer au préalable la disponibilité des places pédagogiques aux élèves concernés, obligeant les parents à faire le parcours du combattant pour caser leurs enfants dans une école. L'autre problème posé par M. Boudaoud est la gestion des écoles par les collectivités locales. «Du moment que les écoles primaires relèvent de la compétence des communes, elles ne sont prises en charge que des années plus tard, avec tous les aléas que les communes doivent prendre en charge (révision du budget, disponibilité d'assiettes foncières et surtout les délais de réalisation.» Pourquoi ? «Parce que les services d'urbanisme et de la planification des communes ne sont pas dotés en réalité de méthodes de programmation rigoureuse à moyen et long termes.» Globalement, de l'avis des experts, toute cette situation renvoie à une absence de stratégie de construction. «Dans cet ordre idées, on peut même dire qu'aucune des 1541 communes ne dispose d'un fichier où sont tracés les besoins en assiettes foncières, les capacités de réalisation locales, les besoins en matériaux de construction et en main-d'œuvre qualifiée alors que chaque commune doit être couverte par un plan d'occupation des sols (POS)», résumera M. Boudaoud pour qui les communes ont souvent tendance à «verser dans la précipitation, notamment au niveau des études techniques qui sont bâclées en un temps très court.» Une défaillance à laquelle s'ajoute le mauvais choix du terrain qui n'est pas sans conséquences sur le prix du mètre carré. Théoriquement, pour une école de douze classes, le prix du mètre carré est estimé à 29 000 da, soit environ 22 500 000 DA en réalisation, selon la même source. Cependant, ce prix n'a jamais été respecté. Et ce, en raison de la nature du terrain souvent accidenté et des retards de paiement des situations des travaux. L'estimation peut donc passer du simple au double. D'ou le recours aux enveloppes supplémentaires. Cependant, toujours sans résultats palpables.