Les islamistes tunisiens ont de nouveau démontré que seul le pouvoir les intéresse. Face à la mobilisation populaire qui les invite à rendre leur tablier et devant les initiatives politiques de sortie de crise, Ennahdha ruse et multiplie les manœuvres dilatoires pour se maintenir au pouvoir. Le sort réservé à la «feuille de route» n'est qu'un échantillon de la politique politicienne menée par Ennahdha. La proposition de sortie de crise élaborée par le quartette mené par la centrale syndicale UGTT, ayant soulevé les espoirs et l'adhésion générale, se heurte en effet au jeu malsain de Ghannouchi et sa «jamaâ», qui un jour adhèrent et le lendemain reculent. Ennahdha reste fidèle à sa stratégie. Il refuse de quitter le pouvoir et œuvre à désarmer la société. D'ailleurs, sitôt passé l'orage provoqué par l'assassinat de l'opposant Mohamed Brahmi, il a entamé une nouvelle campagne dans le but de phagocyter l'appareil de l'Etat et ses démembrements en tissant un large réseau d'influence visant l'«ikhwanisation» de l'administration. Il a poussé le ridicule en tentant la création d'une centrale syndicale islamiste afin de diviser le monde du travail et réduire les capacités de nuisance de l'UGTT, le seul véritable contre-pouvoir. Les nombreuses arrestations-incarcérations menées contre des journalistes voici quelques jours visent à intimider les médias qui ont relayé les critiques contre le gouvernement islamiste après l'assassinat de Brahmi. Elles ont prouvé aussi que le pouvoir judiciaire est désormais inféodé au parti au pouvoir, un parti liberticide et antidémocratique. Venu aux commandes à la faveur des élections de l'Assemblée constituante d'octobre 2011, le parti du cheikh Rached Ghannouchi a réussi à transformer la période transitoire fixée à une année en un mandat parlementaire. Une violence qui a conduit le pays, entre autres éléments, dans les rets d'une crise générale. L'assassinat, l'été dernier, du député Brahmi a créé un sursaut populaire qui a failli renverser le parti au pouvoir, tenu responsable de tous les maux. Mais le scénario égyptien n'a pas eu lieu, car les données sont différentes dans les deux pays, qui pourtant ont réussi des révolutions identiques ou presque. Le duel entre l'opposition démocrate et les islamistes au pouvoir se termine (pour le moment) en faveur de ces derniers, qui savent absorber la colère et la mobilisation citoyennes. La partie n'est pas finie, mais de nombreuses voix s'élèvent en Tunisie pour exprimer la crainte face à cette opposition, tétanisée par le cours des événements et qui s'essouffle face aux manœuvres dilatoires d'Ennahdha, qui prouve encore qu'il est incapable de se dissoudre dans la démocratie.