A Bangkok, le champ politique est divisé en trois mouvements : Chemises rouges pour les sympathisants du régime, Chemises jaunes pour l'opposition et Chemises blanches du ni pour ni contre. Les manifestations se poursuivent depuis plus de deux mois. L'état d'urgence déclaré la semaine dernière n'a rien changé. La situation est toujours aussi explosive. Un leader de l'opposition a été tué hier. Bangkok (Thaïlande) De notre envoyé spécial Un homme a été tué hier alors qu'il s'adressait à ses troupes pour les motiver à faire échouer les législatives du 2 février. Neuf autres personnes ont été blessées, selon une ONG locale. Dans la chaleur moite de Bangkok, l'unique tension perceptible est la guerre des slogans : «Shut down Bangkok» pour les Chemises rouges pro-régime ; «Against amnesty law» pour les Chemises jaunes. Pour le touriste déambulant dans la capitale thaïlandaise, rien ne présage de la tension ou de l'affrontement entre les deux camps. Seul désagrément : des routes coupées près des campements des protagonistes. Le gouvernement a fait voter, une semaine à l'avance des volontaires, pour tester de la viabilité du scrutin de dimanche prochain. Cet assassinat laisse présager le pire. La contestation en cours est la plus importante mobilisation politique en Thaïlande depuis les manifestations de partisans de Thaksin qui avaient paralysé Bangkok en avril-mai 2010, jusqu'à la sanglante intervention militaire qui avait fait plus de 90 morts. Pour comprendre ce qui se passe en Thaïlande, il faut replanter le décor et décrypter les protagonistes. Dernier rempart, aucun parti ne remet en cause la monarchie. L'armée, elle, veut demeurer neutre tant que faire se peut. Chemises rouges et Chemises jaunes s'affrontent. La population est répartie en deux camps politiques bien distincts : la classe moyenne citadine d'un côté, la classe rurale pauvre de l'autre. Cela fait un peu plus de deux mois que les Chemises jaunes ont investi les rues de Bangkok pour demander le départ de la Première ministre Yingluck Shiniwatra, accusée d'être une fantoche à la solde de son frère, Thaksin Shinawatra, contraint à la démission par la Cour constitutionnelle en septembre 2008 à cause d'une affaire de corruption. La cour criminelle de Bangkok avait émis, le 25 mai 2010, un mandat d'arrêt international pour «terrorisme» contre Thaksin Shinawatra qui est en exil à Dubaï. Les Thaksin sont soutenus par les Chemises rouges du Front national uni pour la démocratie et contre la dictature (UDD). Politiquement, au risque de prendre un raccourci journalistique, les membres des Chemises rouges sont conservateurs et majoritairement ruraux. Le parti s'appuie sur les paysans. Les Chemises jaunes, démocrates et royalistes, sont citadins. Ils refusent la tenue des élections de peur de les perdre encore. L'opposition a prévenu qu'elle boycotterait le scrutin et réclame la désignation d'un «conseil du peuple» chargé de conduire des réformes politiques et électorales. Son ennemi : le milliardaire en exil Thaksin Shinawatra, accusé de continuer à gouverner par l'intermédiaire de sa sœur. Les Chemises jaunes se veulent neutres, mais sont de facto les alliés objectifs des Chemises rouges. Les Chemises blanches, en signe de neutralité entre rouges pro-Thaksin et jaunes anti-Thaksin, sont apparues en janvier pour demander à l'opposition de «respecter leur vote». Cette prise de position engendre encore plus de confusion. Ce nouveau mouvement est accusé par l'opposition d'être un sous-marin du gouvernement. La Cour constitutionnelle thaïlandaise a reporté, jeudi, l'examen de la requête contre la tenue d'élections législatives anticipées le 2 février. La commission électorale, qui estime que la situation dans le pays est beaucoup trop explosive pour raisonnablement envisager d'organiser un scrutin national, a saisi la Cour pour qu'elle se prononce sur la date des élections. Le gouvernement fait valoir que le décret fixant la date des prochaines élections, promulgué et signé par le roi, ne pouvait être modifié.