Bouteflika n'est pas en bonne santé. Il le mentionne bien dans une lettre adressée aux Algériens à la veille de la campagne pour la présidentielle du 17 avril 2014. Pourtant, tous ses partisans – Amar Ghoul, Abdelkader Bensalah, Amara Benyounès, Amar Saadani – n'ont pas cessé de dire que le président sortant se «porte bien». Mauvaise communication ? Autant laisser «les saints» de côté et écouter «le patron». «Les difficultés liées à ma santé physique actuelle ne semblent pas me disqualifier à vos yeux ou plaider en faveur de ma décharge des lourdes responsabilités qui ont eu raison d'une bonne partie de mes capacités», a écrit le candidat à la présidentielle. «Vous tenez à ce que je voue mes dernières forces au parachèvement de la réalisation du programme pour lequel vous m'avez, à chaque fois, donné mandat», a-t-il ajouté. «Dernières forces» et «une bonne partie de mes capacités» sont des expressions qui signifient clairement que l'actuel chef de l'Etat n'est plus le jeune homme des années 1970. Bouteflika met indirectement le Conseil constitutionnel dans la gêne. L'institution de Mourad Medelci n'a donc trouvé aucune faille dans le dossier de candidature du président sortant ? Bouteflika a ajouté une petite touche émotionnelle dans sa lettre pour mieux faire «passer» le message, «justifier» le quatrième mandat et prémunir le Conseil constitutionnel d'éventuelles critiques. Il a enrobé son texte d'un esprit patriotique à la tonalité sarcrificielle : «Animé que j'ai toujours été du respect du peuple algérien qui m'a accordé l'honneur et le privilège de le servir pendant trois mandats, je suis en devoir de répondre positivement, car je ne me suis jamais, ma vie durant, dérobé à aucun devoir au service de ma patrie. Il me coûterait de rester sourd à vos appels», a-t-il mentionné dans sa lettre-programme. Bouteflika semble répondre aux critiques faites ces dernières semaines par les opposants au quatrième mandat, comme l'ex-président Liamine Zeroual ou l'ancien chef de gouvernement Mouloud Hamrouche. Zeroual et Hamrouche ont insisté sur la nécessité d'aller vers une période de transition pour sortir de la crise politique à travers un «projet national» fédérateur. Un projet qui doit aboutir à l'élaboration d'une nouvelle Constitution qui réhabilite les institutions de l'Etat et rétablit la limitation des mandats présidentiels. S'engageant sur ce terrain, Bouteflika promet de réviser la Constitution dans le cas de son élection pour un nouveau mandat. «Je m'engage à créer les conditions politiques et institutionnelles, avec l'ensemble des acteurs représentant les différents segments de la société, permettant l'édification d'un modèle de gouvernance répondant aux attentes et espérances de notre peuple. Cela se concrétisera dans une révision de la Constitution qui sera menée dans le courant de cette année. Cette démarche répondra aux aspirations de la jeunesse à prendre le relais», a-t-il annoncé. Bouteflika, qui reconnaît implicitement l'échec de l'édification d'un «modèle de gouvernance» lors des précédents mandats, suggère qu'il quittera le pouvoir à la fin du prochain mandat, en 2019. Il propose donc de devenir lui-même le vecteur de la transition vers l'alternance. Abdelaziz Belkhadem, représentant personnel du président de la République au sein du gouvernement, a défendu cette idée : «Le mandat présidentiel 2014-2019 sera celui de la transition pour passer d'une génération à une autre.»Bouteflika envisage donc de sortir du palais d'El Mouradia avec une Constitution «révolutionnaire» qui portera son nom et sera sa principale réalisation politique. Une Loi fondamentale qui donnera, par exemple, à l'opposition le droit de saisir directement le Conseil constitutionnel et à la majorité parlementaire de désigner le gouvernement. La révision de la Constitution, qui se fera avant la fin 2014, sera la phase finale de ce qui peut être appelé le processus de réformes politiques.