Avec le dépôt de plainte à l'encontre des grévistes de l'Etablissement hospitalier spécialisé (EHS) en psychiatrie Erazzi de Annaba, le procès-verbal de l'huissier sollicité pour noter l'appel de la direction à la reprise de travail, le refus de plusieurs grévistes de répondre positivement à cet appel et la présentation à la barre du tribunal de Annaba de plusieurs membres du syndicat prévue pour le 15 août, la situation a atteint un point de non-retour. D'autant plus que ces derniers jours, des accusations et contre accusations de mauvaise gestion et autres comportements préjudiciables à la bonne marche de cet établissement sont échangés entre les parties en conflit. A l'origine de cette grève entamée depuis le 25 juillet 2004, après un préavis émis le 6 du même mois, le départ du médecin chef du service médical avait été avancé au titre de seule et unique revendication. Même l'arrivée d'une commission d'enquête dépêchée le 27 juillet par le ministère de la Santé n'était pas arrivée à amener les grévistes à de meilleurs sentiments. C'est ainsi que durant plusieurs jours et jusqu'à mardi dernier, l'accès de l'enceinte de l'hôpital aux malades à la recherche de soins était interdit. « Les médecins sont en grève », argumentaient les grévistes. Cette grève, que les médecins dénoncent et considèrent comme étant « déplacée et irréelle », semble avoir délié des langues au point de transformer cet établissement public en antre du démon. « Un malade atteint du syndrome suicidaire a été livré à lui-même à la veille de l'Aïd El Adha. Les deux infirmiers, désignés pour sa prise en charge et son suivi, ont abandonné leur poste. Une heure à peine après leur départ, ce patient s'est suicidé dans les toilettes du service où il était hospitalisé. La restauration des malades est détournée tout autant que les médicaments sous forme de psychotropes qui disparaissent ou sont consommés par des travailleurs de l'établissement. Le harcèlement sous toutes ses formes est devenu quotidien, particulièrement pour les travailleuses. Tout agent qui exprime son opinion en faveur de l'une ou de l'autre partie en conflit, à savoir la direction et le chef de service médical, est systématiquement sanctionné sous une apparence légale. La gestion de cet hôpital obéit à des intérêts bien particuliers qui nous échappent. Nous sommes ici pour travailler et non pour obéir aux sautes d'humeur des uns et des autres intéressés par le pourrissement de la situation », ont indiqué deux travailleurs signataires, au même titre que 49 autres, d'une pétition adressée aux autorités locales et dénonçant la grève. Terrible bras de fer Ils ont précisé que cette dernière est le résultat d'une manipulation visant à écarter le médecin chef de service. Du côté de la direction de l'établissement, M. Bouledjouija, directeur de l'établissement, est catégorique quant à n'avoir subi aucune pression pour déposer la plainte à l'encontre des grévistes. « En présence d'un huissier et de l'inspecteur du travail, j'ai demandé aux grévistes de mettre un terme à leur mouvement. Je leur ai précisé qu'il était du ressort de la tutelle de prendre la décision concernant le départ ou non du médecin, chef de service, avec lequel ils sont en conflit. Je n'ai subi aucune pression. Le suicide d'un de nos malades présentant des tendances suicidaires a effectivement eu lieu. Ce qui ne m'a pas empêché, après avis de la commission de discipline, de sanctionner les deux infirmiers auteurs d'abandon de poste de 8 jours de mise à pied ». M. Bouledjouija a également démenti tout détournement de la restauration et des médicaments destinés aux malades. Il a affirmé que depuis sa prise de fonction à la tête de la direction, cette pratique en usage du temps de son prédécesseur n'a plus cours : « Avant mon arrivée, tout le monde se servait et en profitait. C'était en quelque sorte la java. Aujourd'hui, sous peine de sanction, aucun agent ne peut se permettre de se restaurer au détriment des malades. En ce qui concerne le détournement des médicaments, il s'agit de pure diffamation de ceux qu'intéresse le pourrissement de la situation. Je n'ai jamais encouragé les travailleurs à provoquer une grève. »