La chasse aux sorcières contre les opposants au quatrième mandat de Bouteflika a-t-elle commencé ? Pendant que le directeur de cabinet à la présidence de la République, Ahmed Ouyahia, ouvrait officiellement le registre de (con)doléances de la Constitution à la première vague des invités, composée de représentants de partis et de «personnalités nationales», au même moment, un autre chantier visant à traquer les adversaires de Bouteflika semblait être bien lancé. Le signal vient d'être donné avec cette interdiction d'impression décidée par l'imprimerie d'Etat du Centre, la SIA, pour cause de factures impayées à l'encontre de deux journaux : le quotidien arabophone El Fadjr qui a compté parmi les titres de la presse nationale qui ont farouchement dénoncé le «coup de force constitutionnel» du 4e mandat de Bouteflika et le quotidien arabophone Echourouk. La mesure de représailles a été levée dimanche pour ce dernier titre suite au versement d'un chèque à la société d'impression. Mme Hadda Hazem, directrice de la publication El Fadjr, qui affirme avoir établi un échéancier de paiement avec l'imprimeur qu'elle dit avoir toujours honoré, ne semble pas rencontrer la même compréhension. Pour elle, la décision de suspendre le tirage de son journal est foncièrement politique. Elle est d'autant confortée dans sa conviction selon laquelle le pouvoir est en train de lui faire payer sa ligne éditoriale que le même souci de respect des règles de la commercialité invoqué par la SIA n'est pas observé pour tous ses clients, notamment les titres connus pour leur proximité avec le pouvoir. Il n'y a pas que la presse qui semble être dans le collimateur de l'équipe de Bouteflika. Des hommes politiques et des personnalités qui n'ont pas marché avec Bouteflika pour soutenir son quatrième mandat seraient également sur la liste des cibles à abattre. C'est en tout cas la lecture qui en a été faite des démêlées judiciaires de l'ancien sénateur : le commandant Azzedine. Le timing choisi pour sortir et médiatiser cette affaire en faisant peu cas de la dignité de ce moudjahid baroudeur, au passé révolutionnaire glorieux, et de la présomption d'innocence, suscite de légitimes interrogations. Pourquoi le dossier a-t-il été réactivé maintenant ? Et qui est derrière les fuites qui ont circulé dans la presse alors que l'affaire est au niveau de l'instruction ? La réponse à ce déballage d'une affaire surdimensionnée sur le plan médiatique indépendamment du fond du dossier d'accusation sur lequel la justice doit se prononcer sereinement, loin de toute interférence, n'est-elle pas à rechercher ailleurs ? Faut-il rappeler que le commandant Azzedine avait claqué la porte du Sénat où il avait siégé dans le tiers présidentiel avant d'afficher ouvertement son opposition au troisième mandat de Bouteflika ? Une position qu'il a maintenue à l'occasion du 4e mandat. Ces pratiques vieilles comme le système politique algérien laissent penser que ce sont là les prémices d'une campagne de règlement de comptes à vaste échelle qui s'annoncent. Avec, à la clé, la neutralisation des forces qui ont osé se dresser sur le chemin de Bouteflika et qui ont continué à lui tailler des croupières après son élection. Tout porte à croire que les menaces proférées par l'entourage de Bouteflika durant la campagne électorale à l'encontre des opposants au 4e mandat n'étaient pas qu'une simple opération de bluff politique.