Geronimo, long métrage fiction, est la dernière œuvre de Tony Gatlif, cinéaste né à Alger, de son vrai nom Michel Boualem Dahmani. Dans le très torride mois d'août, le quartier chaud de Saint-Pierre à Marseille vivote entre ennui, courses de mobylettes, petits trafics, pistolets et couteaux passant de main en main, larcins au supermarché, scènes de tensions entre bandes rivales. Soudain, tout bascule, la vie du quartier explose. La jeune et jolie Turque, Nil Terzi, fuit son mariage forcé et rejoint son Roméo, le bel adolescent gitan, Lucky Molina. La famille de la fille organise la chasse aux amoureux. Geronimo, en hommage au grand chef Apache, est le surnom donné à l'éducatrice, une blonde énergique, très dévouée médiatrice du quartier qui s'attache à éloigner les tensions et éviter que le sang coule. L'affrontement entre Turcs et Gitans pourrait faire du quartier un brasier. Le frère de Geronimo, patron d'un bar (l'acteur espagnol Sergi Lopez), va aider les amoureux à se cacher. Mais comment calmer la famille de Nil qui veut venger son honneur ? Tony Gatlif avait décroché à Cannes, en 2004, le prix de la mise en scène pour Exils, l'histoire de son retour dans sa ville natale, Alger. En 2012, au Festival de Cannes aussi, c'est au tour de la sélection de son documentaire Indignados sur la vague de protestations populaires en Espagne. La mise en scène pleine de mouvements et d'énergie de Geronimo renoue avec la vivacité de son art de mise en scène. Le film est proche de West Side Story, chef d'œuvre de Robert Wise et Jérôme Robbins avec la musique de Léonard Bernstein (1961), du fait de la superbe chorégraphie des scènes de danse hip-hop et flamenco. L'omniprésence de partitions tziganes, espagnoles, turques et autres, est un choix de Tony Gatlif qui veut remplacer la violence par la danse et la musique. Tony Gatlif pousse les choses à leur extrême quand, dans le décor hallucinant de friches industrielles et de vastes hangars à l'abandon, le flamenco des jeunes Gitans répond au hip-hop des Turcs et quand tout aboutit à une scène délirante, une danse macabre exécutée sur le couvercle d'un cercueil. Plus encore que le plaisir de découvrir cette œuvre admirable de Tony Gatlif, artiste aux talents multiples (qui affirme avoir quitté Alger à l'âge de 13 ans, après avoir été cireur de chaussures devant l'hôtel Aletti), c'est de voir la grande performance d'acteurs nouveaux dans le cinéma, doublés de danseurs de haut niveau. Rachid Youcef, prodige algérien, danse le hip-hop aussi bien que sur la scène de Madonna. Prado Jimenez éclate littéralement dans le flamenco. Naïla Harzoune, belle maghrébine, joue l'amoureuse en fugue vers son Roméo interprété par l'acteur espagnol David Murgia. Céline Salette, actrice française peu connue encore, fait de Geronimo une éducatrice généreuse, courageuse et entêtée à la fois. Bref, le nouvel opus de Tony Gatlif, présenté en séance spéciale au 67e Festival de Cannes, est en passe d'attirer les foules et sans doute de rembourser son budget.