Combien d'hommes de valeur recèle l'histoire de l'Algérie et qui demeurent tellement méconnus ? Le chiffre doit être au moins imposant car on ne cesse de «découvrir», sortis de l'obscurité par des chercheurs ou des passionnés, des personnages qui méritent notre curiosité. Ainsi apparaît le dénommé Abou Abbas Ahmed El Gubrini qui a vécu entre 1246 et 1314. Originaire de Aït Gubrin (d'où son nom) en Grande Kabylie, il fut grand cadi de Bejaïa à l'époque hafside. Reconnu comme un jurisconsulte (faqih) émérite, il a occupé le poste de cadi en plusieurs lieux avant d'achever sa carrière à Bejaïa, avec le titre de Qadhi el Qudhate, soit Juge des Juges. A ce titre, il jouissait d'une influence importante, le plaçant comme un interlocuteur privilégié des princes et notables comme des petites gens. Cette position se doublait d'une aura intellectuelle dans une ville qui ne manquait pas alors de grands et beaux esprits et rayonnait scientifiquement et culturellement. Mais, comme, souvent dans le monde musulman, il se retrouva au cœur des rapports complexes entre savoir et pouvoir. Chargé de participer aux négociations de l'émir de Bejaïa avec le sultan de Tunis en 1304, il fut accusé par la suite de trahison et exécuté. Ce n'est pas l'exercice, bien que remarquables, de ses responsabilités qui a forgé sa renommée et justifié qu'il perce de nos jours les rideaux de l'oubli. Il le doit surtout à sa passion de biographe qui s'est traduite par un précieux ouvrage, Uûnwan ad-Diraya (Symbole du savoir). Ce who's who médiéval recense, en effet, tous les savants de Bejaïa de l'époque médiévale, présentant leurs parcours et leurs productions et dessinant les contours des élites politiques, religieuses, scientifiques et culturelles de la ville. Une somme impressionnante qui se place parmi les principales références bio-bibliographiques algériennes avec les ouvrages du constantinois Ibn Kunfudh (mort en 1407), du tlemcénien Ibn Maryam (vers 1600), du annabi Ahmed El Buni (mort en 1726) et du kabyle El Hocine El Warthilani (mort en 1779). La société savante Gemihab de Bejaïa (Groupe d'études et de recherches sur l'histoire des mathématiques à Bougie médiévale) et l'unité de recherche Lamos de l'université de Bejaïa, en partenariat avec le CNRPAH (Centre de recherche préhistoriques, anthropologiques et historiques) se sont donc attelées à l'organisation d'un colloque international sur El Gubrini qui aura lieu, les 19 et 20 novembre 2014, soit 700 ans après sa mort. Au-delà de sa personnalité, c'est essentiellement sa contribution à la connaissance de «l'histoire politique, intellectuelle, scientifique et religieuse de Bgayet, en particulier, et du Maghreb, en général» qui intéresse les organisateurs. Il s'agira «de cerner la structure des milieux intellectuels des centres urbains du Maghreb et de la Méditerranée à l'époque médiévale». Des spécialistes en la matière sont d'ores et déjà invitées mais le comité d'organisation signale que les propositions de communications sont recevables jusqu'au 15 septembre prochain. Plusieurs disciplines sont appelées à se joindre au projet : l'histoire, bien entendu, mais également l'anthropologie, l'archéologie, la théologie, l'architecture… Informations et contact : (www.gemihab.org) et ([email protected])