A l'évocation du nom de Bali à Tlemcen, le commun des mortels de la génération d'après-guerre l'identifie à la salle des fêtes se trouvant sur la route de Chetouane et où un grand nombre de mariages de la « Perle du Maghreb » ont eu lieu. A l'évidence, Bali Bellahsène dit El Hadj, propriétaire de ladite salle des fêtes, fut un fedaï invétéré qui, par ses actions, a donné du fil à retordre aux services de sécurité du colonialisme français. Dans un document d'avis de recherche des 40 maquisards les plus dangereux d'Algérie et diffusé par la direction de la Sûreté nationale française, Bali figure aux côtés entre autres des Amirouche, Abane Ramdane, Ben Boulaïd, Ben Bella, Ben M'hidi, Bouzidi, Boubnider, Boussouf, Boudiaf, Mahsas, Ouamrane, Zighout Youcef, Krim Belkacem. Bali le fedaï Dans l'Algérie colonisée, Bali vivait dans la misère. Pour aider ses parents, il arrive, en 1955, à se faire recruter durant les vacances scolaires, à l'âge de 18 ans, comme vaguemestre aux Ponts et Chaussées. C'est en côtoyant les Français, les Espagnols et certains juifs dont le plus instruit avait le niveau de certificat d'études, que Bali se rend compte qu'il était fortement opprimé dans son pays. Quelque temps après, soit 3 mois, il entre en contact avec le FLN à Oujda pour rejoindre le maquis. La rencontre a eu lieu dans un bain maure. On lui signifia : « On a besoin de toi à Tlemcen. » Deux mois s'écoulent, quand un jour, une personne se présente au magasin de son père cordonnier. Elle était envoyée par un certain Mustapha d'Oujda et a dit à Bali El Hadj : « Tenez, un pistolet et une grenade, cachez-les moi jusqu'à demain. » Le monsieur qui avait pour surnom Boumediène, ayant un accent kabyle, revint deux jours après et fixa un rendez-vous à Bali le lendemain à 16h. A l'heure exacte, l'homme se pointa et ensemble prirent le chemin qui mène vers l'actuel hôtel Zianides, puis Birouana pour atteindre les jardins de Sid Tahar. Là, deux moudjahidine armés les ont accueillis. Il 'agissait de Hamadouche Boumediène dit Salah et de son adjoint Mustapha El Ouarnidi. La première question qui fut posée à Bali était : « En es-tu capable ? » La réponse a été catégorique : « Si je me suis présenté à vous, c'est pour donner ma vie à mon pays. » La décision de sa mission, il l'a reçue le jour suivant. Il s'agissait pour Bali de créer des cellules de fedayin à Tlemcen. Chaque cellule était composée de 5 personnes, dont un responsable. Après 2 mois de dures investigations, Bali a réussi à détecter 5 responsables qui, à leur tour, formèrent leurs cellules respectives. En remettant la liste à ses supérieurs, Bali nota que son jeune frère âgé de 15 ans figurait parmi les recrues. La première opération inscrite à l'actif de Bali fut de lancer, fin 1955, une grenade au niveau de la Place de Tlemcen où des militaires étaient attablés. Le lendemain, il lut le bilan dans les journaux, 1 mort et 13 blessés graves. Après une autre action sanglante en août 1956 - Bali jeta une grenade sur un camion GMC, faisant parmi les militaires 4 morts et 4 blessés, on l'appela au maquis. Il devint secrétaire du chef des commandos Hamadouche et ravitaillait les fedayin en armes et explosifs avec la collaboration de femmes et d'un aveugle, nommé Bahlouli toujours en vie. La guerre, Bali l'a vécue dans sa vraie dimension. Sa vie, ses exploits, son audace, l'horreur, Bali les livre dans des écrits. Bali l'écrivain El Hadj Bali a rejoint le maquis avec le niveau terminale (3e année secondaire actuelle). C'est dire qu'il n'était pas destiné à prendre la voie de la littérature. Pourtant, il publia trois livres : Mémoires d'un jeune combattant de l'ALN en 1999, Le rescapé de la ligne Maurice en 2004 et Le colonel Lotfi en 2005. Ce désir d'écrire, Bali l'explique comme une dette qu'il doit payer envers ceux qui ont lutté avec lui et qui sont morts sans avoir la chance comme lui de vivre dans une Algérie indépendante. Il sentira ce besoin de relater l'héroïsme des moudjahidine et de les mettre en valeur après avoir remarqué qu'après plus de 40 années après la fin de la guerre peu de témoignages racontent l'histoire de l'Algérie. Malgré les problèmes rencontrés pour l'impression des livres, Bali les publie en mettant la main à la poche. Pour lui, il continue le combat au nom de ceux qui ne sont plus là, comme le colonel Lotfi pour lequel il dédie tout un livre. Pour sa collaboration dans l'écriture de l'histoire de la guerre d'Algérie, Bali a fourni plus d'un millier de pages totalisant ses trois livres où la lecture est simple avec une réalité crûment racontée. Bali le diplomate Au lendemain de l'indépendance de l'Algérie, Bali qui a appris à manier le verbe et à traiter des affaires délicates pour mener à bien sa mission avec les fedayin sous sa coupe, est appelé à rejoindre le ministère des Affaires étrangères. Après avoir refusé un premier poste à Buenos Aires en Argentine, Bali est sollicité comme attaché-régisseur et reçoit une correspondance référencée 279/64 SDBM du 14 mai 1964 avec l'octroi de 400 000 DA comme volume de dépenses au profit de l'ambassade algérienne à Pékin en Chine. Sa carte professionnelle de diplomate porte le n° 5664F et elle est signée par Omar Gherbi, directeur de l'administration générale. Cependant, le sort ne destinait pas Bali à une carrière diplomatique. Habitant le quartier Gai Soleil à Alger, Bali retrouve sa mère et lui annonce la nouvelle de son départ à Pékin. Cette dernière en pleurant lui dit : « Cela fait 7 ans qu'on ne t'a pas vu et aujourd'hui où l'on goutte à des moments de plaisir avec toi, tu nous quittes. » Cette phrase a été suffisante pour que Bali coupe le cordon ombilical avec le ministère des Affaires étrangères. Il va voir Rahal Abdellatif, actuel conseiller en diplomatie du président Bouteflika, et lui signifie son refus d'aller à Pékin. Comme réponse, et avec une pointe d'amertume, il a eu : « Si des hommes comme vous refusent ces responsabilités, alors sur qui compter. » Vers la fin de l'année 1964, Bali est contacté par Temmam Abdelmalek pour un poste au sein de la Banque du crédit foncier qui deviendra BNA par la suite. Bali prendra la direction régionale à Aïn Témouchent puis Tlemcen jusqu'à la retraite. Bali l'historien Le combat qu'il mène ne s'arrêtera pas à l'indépendance. La révolution algérienne l'a marqué de façon indélébile et la grandeur de l'œuvre ne peut garder tous ses secrets. Souvent invité comme cadre de banque à des festivités pour commémorer les dates du 5 juillet et du 1er novembre, Bali constate qu'il n'y a pas d'éléments qui rappellent exactement notre lutte de libération. A partir de là, il se dit être un ressuscité et avoir le devoir de créer une exposition, voire un musée. Il contacta l'APC de Tlemcen et obtint une liste de 500 fedayin. Vivants ou morts, il se rend chez eux et récupère photos, objets, données et autres. Il se procure des archives de l'armée française et possède des manuscrits tel un document de 199 pages, écrit par le colonel Lotfi. Il commanda aussi des tableaux de peinture de Ben M'hidi, Si Haouas, Zighout et bien d'autres qu'il paya des fois à pas moins de 20 000 DA l'unité. Ainsi, avec quelque 800 photos inédites et une trentaine de tableaux, il ouvrit un musée dans les locaux mitoyens à sa salle des fêtes. Sollicité lors de manifestations commémoratives, il exposa son musée ambulant à Oran, au musée national et dans presque toutes les universités algériennes. Bali est fier de son itinéraire et il en parle avec émotion.