Les événements se sont accélérés de manière vertigineuse sur les terrains militaire et politique durant les dernières 48 heures en Libye. Le porte-parole de l'opération Fajr Libya (Aube de la Libye), dirigée par les islamistes de Misrata, a appelé hier à la restitution provisoire de l'autorité publique au Congrès national général, rejetant ainsi, de fait, l'autorité légitime de la nouvelle Chambre des députés. Les événements se sont accélérés de manière vertigineuse sur les terrains militaire et politique durant les dernières 48 heures en Libye. Il y a eu, d'abord, la prise avant-hier par les forces de Misrata de l'aéroport international de Tripoli et le repli des forces de Zentane aux confins sud, sud-ouest de la capitale libyenne. Quelques heures plus tôt, Tripoli a connu une nouvelle vague d'attaques aériennes sur le quartier général de Fajr Libya et ses dépôts de munitions. A 27 km à l'ouest de Tripoli, les forces tribales, alliées de Zentane, ont repris le camp militaire. A Benghazi, ce sont plutôt les forces loyales au gouvernement de Abdallah AlThani qui ont repris quatre casernes aux milices de Ançar Charia et leurs alliés. Scission ? Sur le terrain politique, suite à leur refus d'obtempérer à l'injonction de cessez-le-feu, ordonné par le gouvernement, l'état-major des armées et la Chambre des députés, les forces Fajr Libya et Ançar Charia ont été classées «terroristes et hors-la-loi» dans un communiqué publié, avant-hier, par la Chambre des députés. «La guerre se déroulant actuellement oppose l'Etat et ses institutions légitimes à des terroristes. La Chambre va soutenir les forces de l'armée nationale pour mettre fin à cette guerre», a souligné le même communiqué. Toujours à partir de Tobrouk, la Chambre a désigné le colonel Abderrazek Nadhouri au poste de chef d'état-major des armées, en remplacement de Abdessalem Jadallah Laâbidi. En même temps, le chef du gouvernement provisoire, Abdallah Al Thani, a démis le vice-ministre de la Défense, Khaled Cherif, accusé de complaisance avec les troupes de Fajr Libya et d'avoir mis à leur disposition les dépôts de munitions de l'armée nationale. En réaction à ces multiples décisions, le porte-parole du Congrès national général (CNG), Omar Hamidane, a appelé dans un communiqué repris par la chaîne Nabaa, proche de Fajr Libya, à «la reprise des travaux du CNG, en attendant la transmission en bonne et due forme des pouvoirs à la Chambre des députés». Le communiqué précise que «cette décision émane du devoir du CNG de défendre la patrie et la révolution et leur éviter la scission et le vide constitutionnel». Flou «Cette situation risque de plonger le pays dans le chaos, avec deux institutions se disant légitimes et parlant au nom du peuple», estime le politologue Mansour Younes, ex-membre du Conseil national de transition. «Il est vrai que la Chambre des députés bénéficie d'une légitimité populaire plus récente, en plus de la reconnaissance internationale. Mais, il ne faut pas oublier l'importance de la stabilité sur le terrain, et c'est en échange de ladite stabilité que les islamistes de Misrata veulent imposer ce qu'ils n'ont pas pu obtenir à travers les urnes»,ajoute l'universitaire, rappelant la citation de l'un des chefs de Misrata qui a récemment déclaré : «Nous ne pouvons pas les battre par les urnes. Donc, nous allons les empêcher de construire le pays.» L'un des membres du Conseil des 60, chargé de la rédaction de la Constitution en Libye, qui préfère garder l'anonymat, pense que «de tels agissements annoncent le désir des islamistes de Misrata de pousser vers la partition de la Libye. Certes, le camp légitimiste s'appuie sur sa reconnaissance par la communauté internationale et le soutien du peuple libyen pour éviter un tel sort au pays. Mais, la situation géostratégique est très complexe à l'échelle internationale». Paradoxalement, au milieu de ce chaos, la production pétrolière libyenne a repris et elle dépasse même les 500 000 barils par jour. Les exportations ont repris à travers les ports pétroliers de l'Est. Mais la Libye va vers le néant pour le moment, au milieu d'un silence mitigé à l'échelle internationale.