Le 19e Salon international du livre d'Alger (SILA) ferme ses portes aujourd'hui. Un beau moment ! Cette image de fête parmi les livres. Ces multitudes studieuses ou enjouées de tous âges et toutes conditions. Cette possibilité, pourtant si facile, de vivre ensemble en étant différents. Quoi de mieux que le livre pour la réaliser ? Ce support du savoir, de l'imagination, des valeurs, de la beauté et de la controverse enrichissante des idées contradictoires. Il s'y est passé de belles choses. Et d'abord des sorties de livres (lire ci-contre) dénotant un effort certain de l'édition nationale, bien que nous soyons encore loin des attentes. On a coutume de dire que les Algériens et les Algériennes ne lisent pas. En fait, il me semble que le lectorat est invisible mais existe bel et bien. Invisible au quotidien parce que le réseau de distribution est délétère avec quelque chose comme une librairie pour 400 000 habitants et d'immenses zones de no book's land. L'Argentine, avec 42 millions d'habitants, 5 de plus que l'Algérie, compte 650 librairies et près de 500 rayons livres en supermarchés. Ajoutons pour nous un réseau de lecture publique encore faible, la construction de dizaines de bibliothèques n'ayant pas été suivie d'un programme de développement de leurs activités. Ils et elles sont donc là, nous dit le SILA. Parmi ses visiteurs, il n'y a pas que des badauds mais de nombreux acheteurs, comme en atteste l'engouement des exposants (926 dont 659 étrangers) qui ne viennent pas seulement pour la beauté des lettres et doivent répondre à des impératifs commerciaux. Personne ne les oblige à venir. Il y a là, assurément, un marché potentiel immense qui les attire. Et donc des lecteurs et lectrices tapis dans l'obscurité de notre quotidien et que le SILA a le mérite de mettre au grand jour, de même que la soif qui les anime et la revendication implicite d'un véritable plan national de développement du livre et de la lecture. Non plus seulement des mesures prises çà et là, pas seulement une Loi, encore attendue, mais un programme s'appuyant sur une synergie intersectorielle, comme l'a affirmé Nadia Labidi, ministre de la Culture. Un plan vivant, dynamique, audacieux, en mesure de produire autre chose que des statistiques d'autosatisfaction. Au Brésil, dans l'Etat de Sao Paulo, on a même pensé aux détenus. Pour chaque livre lu, ils bénéficient d'une remise de peine de 4 jours. Ils doivent, bien sûr, prouver par un exposé oral qu'ils ont bien lu les livres. C'est dans cet esprit novateur qu'il faut agir. Pour les millions de lecteurs algériens potentiels, prisonniers eux d'un système de distribution et de promotion désastreux. Espérons enfin que l'an prochain, pour le XXe SILA, on interdira radicalement dans quelques stands vraiment bâclés (parfois des étagères métalliques de garage de mécanique) l'empilement de livres à même le sol. Quelle image déplorable ! Il faudra mettre la barre plus haut. Et les livres avec.