La hausse des prix surprenante de la pomme de terre met à nu les dysfonctionnements dans la gestion du stockage de ce produit agricole de base. Au moment où la pomme de terre réfrigérée de la wilaya de Boumerdès ne trouve toujours pas preneur, son prix sur le marché de détail continue à s'afficher à 100DA et dans certains cas à 110DA. Ce produit connaitra une baisse à partir de la semaine prochaine. C'est pour le 15 octobre que la pomme de terre de Ain Defla, Mascara et Mostaganem arrive sur le marché. Selon les prévisions, une quantité de 40 000 tonnes va se trouver sur le marché national durant ces deux mois de novembre et décembre. «Le prix pourra chuter de 50% », estime Mohamed Medjebar, président de la commission des mandataires des fruits et légumes. Ce dernier pointe du doigt les responsables des chambres froides qui, d'après ses dires, ont préféré écouler la marchandise sur le marché parallèle au lieu de la faire passer par le circuit officiel à savoir le marché de gros. «C'est une pénurie provoquée pour maintenir les prix élevés», accuse M. Medjebar qui réclame une enquête pour situer lesresponsabilités de tout un chacun. Au moment où le directeur des services agricoles de la wilaya de Boumerdès déclare que les chambres froides déstockent régulièrement des quantités suffisantes pour alimenter le marché, les mandataires témoignent de leur part qu'au niveau du marché de gros la pomme de terre stockée est introuvable. La période de soudure se situe au mois de septembre et octobre. «Où est la pomme de terre achetée au mois de juin à 25DA et stockée pour faire face à cette période ? », se demande M. Medjebar. Ce dernier rappelle que la mesure de stockage a été prise afin d'alimenter le marché durant cette période à un prixabordable. Au sujet de l'alimentation du marché, ce mandataire souligne que ce rôle relève des gestionnaires des chambres froides. D'autant plus que cette pomme de terre ne peut pas tenir très longtemps dans les frigos avec l'arrivée de la pomme de terre fraiche vers le 15 novembre. Quel sera donc le sort des quantités stockées ? Nous avons tenté vainement de joindre les différents responsables de cette filière au niveau local. Le seul responsable qui a daigné répondre à nos questions demeure le directeur des services agricoles de la wilaya deBoumerdès. Ce dernier explique que la pomme de terre a été cédée au niveau des chambres froides par les producteurs aux opérateurs stockeurs entre 35 et 45DA et ce, selon la qualité. C'est la pomme de terre fraiche qui a été vendue entre 90 et 100DA d'après Mohamed Kherroubi, directeur des services agricoles de la wilaya de Boumerdès. Mais, au niveau du marché du détail de Boumerdès, on ne trouve que cette pomme de terre «fraiche» imposée aux consommateurs à 100DA. Où est passé donc la pomme de terre stockée pour faire face à la demande durant cette période ? Il convient de rappeler que la wilaya de Boumerdès est placée première à l'échelle nationale en matière de stockage de la pomme de terre avec une quantité stockée de 59 000tonnes pour le Syrpalac 2014. Durant la période allant du 1er septembre au 26 octobre, 36 000 tonnes de pomme de terre ont été déstockées d'après les chiffres avancés par le DSA de Boumerdès. «Le reste va se faire régulièrement jusqu'à l'arrivée de la pomme de terre d'arrière saison», souligne M. Kherroubi, assurant que le produit est disponible. Et de poursuivre : «La pomme de terre est déstockée quotidiennement faute de quoi, les opérateurs ne percevront pas leur prime de stockage ». La spéculation bat son plein Qui est à l'origine de la hausse des prix et de la disparition de la pomme de terre réfrigérée des étals ? «Du moment où la pomme de terre sort de la chambre froide, c'est le mandataire et le détaillant qui sont responsable du prix», considère le DSA de Boumerdès. Les mandataires et les représentants des chambres froides s'entraccusentmutuellement. Quant aux détaillants, ces derniers renvoient cette flambée à la hausse des prix au marché de gros. Pour sa part, M. Kherroubi n'écarte pas la spéculation sans préciser à quel niveau elle s'y pratique. De l'avis de ce responsable local, au niveau du marché du gros, le prix de la pomme de terre réfrigérée n'a pas dépassé les 55DA. Ce prix est appliqué pour la pomme de terre de bonne qualité. «Il y a une panoplie de choix entre les différents calibres au niveau du gros. Malheureusement, sur le marché on ne trouve pas cette différence. Tous les calibres sont mélangés avec le même prix chez le détaillant», relève notre interlocuteur. Mais, céder un kilogramme de pomme de terre réfrigéré à 55 da au prix de gros n'est-il pas déjà un prix exorbitant ? «Supposant que le commerçant de détail a acheté à 55Da le kilogramme de la pomme de terre, de quel droit il la vend à 80DA ?», s'interroge le responsable du secteur agricole de la région de Boumerdès. Ce dernier estime que la marge bénéficiaire devait être fixée. «Même si les prix sont libres, le commerçant ne doit pas vendre comme il le conçoit, il y a une marge qu'il ne faut pas dépasser», dit-il. De l'avis de ce responsable, même l'agriculteur ne gagne pas autant que le détaillant. En effet, l'agriculteur cède la pomme de terre à 35 et 40Da le kilogramme. Sur l'étalage, elle est proposée à 80DA. Le prix de revient de la pomme de terre varie entre 22 et 28DA/kg en fonction de la variété et du rendement. A cela s'ajoutent les frais de stockage et de manutention. Le Syrpalac est-il fiable ? «On ne peut pas dire que le Syrpalac (Système de régulation des produits agricoles de large consommation) est fiable à100%. Mais il a mis fin à l'importation de la pomme de terre», considère M. Kherroubi. Ce responsable rappelle qu' «il y a une dizaine d'année, on ne mangeait pas la pomme de terre locale au mois d'octobre et novembre. On faisait appel à l'importation, de moindre qualité».