Après plusieurs escales effectuées dans les wilayas d'Adrar, Tiaret et Tindouf, Mokrani Youcef, chargé de la formation des artisans au sein des Chambres d'artisanat et des métiers, atterrit à Tamanrasset où il découvre l'autre aspect d'une activité traditionnelle passionnément sauvegardée en dépit des aléas. - D'abord, connaître votre évaluation de la filière du cuir à Tamanrasset ? Sincèrement j'ai fait plusieurs wilayas avant de venir à Tamanrasset, mais ce que j'ai découvert ici n'a absolument rien à avoir avec le travail scientifique dans les usines. J'ai appris beaucoup de choses lors d'une visite de travail effectuée sur le terrain. Ce qui m'a surpris le plus est l'attachement de la gente féminine à l'activité du cuir, héritée de leurs ancêtres. Céans, j'ai trouvé le milieu très favorable non pour m'épanouir, mais pour communiquer tout le savoir que j'ai sans rétention. Tamanrasset est un cas pratique qui me sert de support de travail pour les formations à venir. Je suis venu avec l'idée de communiquer sur la technologie qui se fait dans le monde, mais là c'est tout à fait différent. Les artisans m'ont appris des choses via un travail qui n'est point le fait du hasard. - Le travail de cuir est une activité à risque, qu'en pensez-vous ? En effet, le cuir est une matière nocive par ce qu'elle est vivante. La peau nécessite un traitement particulier après l'abattage de l'animal pour éviter sa putréfaction, qui est à l'origine des odeurs nauséabondes qui s'en dégagent et qui se répercuteront négativement sur la qualité du produit final. Une meilleure conservation de la peau évite la dégradation partielle de la constitution chimique et physique de la peau. Cependant, nous avons constaté beaucoup d'anomalies relatives à l'utilisation des tans et de produits chimiques. Outre cela, les étapes de traitement se font manuellement et avec des matières archaïques que personne ne connait. - Est-il possible de développer localement des tans végétaux ? Certainement, d'autant que ces produits naturels sont exploités depuis des millénaires. Tous les produits chimiques fabriqués et utilisés maintenant dans l'industrie du cuir, scientifiquement parlant, sont issus de matières naturelles, à l'exemple de l'écorce de chêne. Ce sont de tanins utilisés dans la transformation des peaux brutes en cuir de haute qualité. - En tant qu'expert tanneur, que préconisez-vous pour l'amélioration des conditions dans lesquelles travaillent les artisans à Tamanrasset ? Il faut œuvrer à l'intégration de nouveaux procédés de fabrication susceptibles d'aider l'artisan dans son travail de façon à lui éviter les gestes et les positions préjudiciables à son état de santé. Les outils de travail doivent être scientifiquement adaptés aux exigences de cette activité. - Que dites-vous de l'éventuelle création d'une tannerie végétale ou traditionnelle à Tamanrasset ? C'est une nécessité vitale. Ces artisans là, on ne les trouve pas ailleurs. Ce sont des gens de talent qui peuvent apporter une valeur ajouté et pour la wilaya et pour le pays. Il est temps de développer quelque chose de consistant afin d'améliorer cette activité en intégrant des technologies nouvelles sans pour autant toucher à l'aspect traditionnel du métier. Les potentialités existent et toutes les conditions s'y prêtent. La matière première est disponible aussi, il suffit juste d'apprendre à l'exploiter.