Le chef de daïra d'In Salah a annoncé hier, en fin d'après-midi, la suspension de l'exploitation des deux puits de gaz de schiste de Dar Lahmar, le premier champ de gaz de schiste d'Algérie. Sur le point kilométrique 30 de la RN1, la fameuse transsaharienne, une bifurcation, à 18 km vers l'ouest, mène aux trois premiers puits de gaz de schiste. Deux sont entrés en exploitation dix jours plus tôt alors que le troisième serait en cours de réalisation, selon nos informations. Pendant ce temps, la mobilisation populaire prenait de l'ampleur à travers les villes voisines. Plusieurs localités du Sud se sont portées solidaires du mouvement de protestation contre l'exploitation du gaz de schiste entamée le 31 décembre par la société civile d'In Salah. In Ghar, Tit, Tamanrasset et El Ménéa ont décrété hier la paralysie totale des commerces et administrations publiques pour rejoindre ceux d'In Salah où la mobilisation a atteint toutes les franges de la société. Même les grossistes et autres commerçants installés dans cette ville ont baissé rideaux en signe d'adhésion et rejoint la foule qui s'est regroupée dès les premières lueurs d'hier matin devant le portail de la daïra. La population de la daïra d'In Salah a fortement répondu aux appels d'une vingtaine d'associations de quartiers et de protection de l'environnement. Quand les femmes donnent l'exemple Des dizaines d'hommes, des jeunes, des vieux, des enfants mais aussi et surtout une cinquantaine de femmes, se sont énergiquement opposés à l'exploitation du gaz de schiste dans le Sahara algérien, en tenant tête aux autorités et en maintenant leur mouvement de protestation. Ils se sont mobilisés durant toute la matinée de dimanche devant le siège de la daïra d'In Salah, où une délégation a fini par être reçue par le chef de daïra. L'annonce de la venue, mercredi prochain, d'une délégation ministérielle pour discuter avec la population n'a pas convaincu. Les manifestants ont décidé de camper devant leur daïra où ils ont dressé une immense kheima pour continuer à sensibiliser la population acquise à cette action citoyenne pacifique s'opposant à l'entrée en production des puits de gaz de schiste dans l'Ahnet. Ainsi, après un sit-in grandiose qui a regroupé différentes franges de la société, venues des quatre coins de la ville d'In Salah, les citoyens étaient très déterminés à avoir des réponses concrètes, voire immédiates. «Nous attendrons ici même cette délégation d'Alger qu'on nous annonce avec autant de cérémonie», nous dit un des organisateurs, joint par téléphone. Une délégation qui n'a pas pris la peine de se déplacer avant la fin de semaine, alors que la population n'a quasiment pas déserté la rue depuis le 31 janvier et qui a redoublé de manifestations depuis, bloquant des axes névralgiques de la ville, y compris ceux menant aux fameux puits de gaz de schiste, dont le lancement de la production une semaine plus tôt par le ministre de l'Energie a eu l'effet d'une bombe parmi les habitants. Poursuite des négociations C'est à cet endroit qu'un deuxième round de négociations a été programmé en fin d'après-midi. Une nouvelle délégation de citoyens, une nouvelle attente. Le verdict est arrivé peu avant 17h. Le gouvernement aurait décidé la suspension de l'exploitation du gaz de schiste dans les deux puits en production. Une annonce qui laisse la foule perplexe. Comment en être sûr ? Que va-t-on décider ? Des pétroliers du cru décident alors de se porter volontaires pour un déplacement sur le site même de Dar Lahmar, histoire de constater de visu que les torches ne brûlent plus. L'idée est de suspendre la production jusqu'à la venue, mercredi prochain, d'une délégation d'experts dépêchés par le ministère de l'Energie afin d'organiser un forum populaire le lendemain. Le ministère veut donc expliquer sa démarche à une population hostile à tout ce qui a trait au forage de puits de gaz de schiste. Les manifestants restent sceptiques. Les gens savent qu'In Salah n'est pas une région anodine sur l'échiquier national. «In Salah, zone stratégique, est la vraie capitale du gaz algérien, le plus grand réservoir d'eau du Sahara ne montre aucun signe de développement ou d'autosuffisance. Nous avons dit au chef de daïra, qu'il nous sera difficile de maîtriser la fougue juvénile, des gens qui attendent des réponses tangibles, un développement réel», nous répond Djouan Mohamed, président de l'association environnementale Shams. Et d'ajouter : «Nous n'avons pas profité du gaz conventionnel, ni des retombées de la manne pétrolière. Qu'y a-t-il après la misère, la mort ? Le gaz de schiste nous prendra le peu que nous avons et nous n'en voulons pas.»