Des habitants ont adressé une requête au procureur de la République pour dénoncer l'attribution de bons de logements à des personnes étrangères au quartier. Les services de sécurité viennent d'ouvrir une enquête sur des dépassements relevés dans les listes des familles qui devront bénéficier de logements, dans le cadre du programme d'éradication des bâtisses menacées par les glissements de terrains à la rue Kitouni Abdelmalek. La procédure vient d'être enclenchée, à la suite d'une plainte adressée au procureur de la République près le tribunal de Constantine, par des habitants du quartier, membres de l'association des sinistrés de la rue des Maquisards-Passage Bestandji, dépendant du secteur de la rue Kitouni Abdelmalek. Les rédacteurs de la requête datée du 24 novembre dernier, dont nous détenons une copie, dénoncent ouvertement «les méthodes obscures avec lesquelles ont été distribués des bons de logements, dont ont bénéficié des personnes étrangères au quartier». Pour Manar Mesmoudi et Boubekeur Trifa, membres du comité du quartier, signataires de la requête «d'anciens habitants qui y résidaient depuis les années 1950, et recensés pourtant par les services de la SAU, ont été injustement écartés pour des raisons qui demeurent inconnues au profit de personnes étrangères». Nos interlocuteurs tiennent le président du comité du quartier pour responsable de ces dépassements, en ayant remis des bons de logements à ces personnes. «C'est parce que nous avons osé dénoncer cette situation que nos dossiers ont été bloqués au niveau de l'OPGI», poursuivent-ils. Les faits ne s'arrêtent pas là, puisque les rédacteurs de la requête affirment que les habitants ont été obligés de payer la somme de 500 DA pour chaque dossier déposé. Des faits qui nous ont été confirmés par d'autres personnes, dont certaines ont été « mis en quarantaine » pour voir refusé de payer ces 500 DA. Les plaignants, et après avoir saisi le wali de Constantine à travers une correspondance adressée au mois de décembre 2013, restée sans suite, selon leurs propos, déclarent qu'ils n'avaient d'autres recours que de saisir le procureur de la République, auquel ils ont remis une liste des indus-bénéficiaires. Ayant eu le courage de dénoncer ces dépassements, nos interlocuteurs iront encore plus loin, en affirmant qu'après avoir poussé plus loin leurs investigations, ils disent s'être aperçus que le nombre des personnes n'ayant pas le droit de figurer parmi les futures bénéficiaires est encore plus important. «On y trouve des personnes habitant à Didouche Mourad, Aïn S'mara, Ali Mendjeli, les cités El Bir et Boussouf, alors que certains ont déjà bénéficié de logements par le passé et d'autres sont des proches de certains membres du comité du quartier, n'ayant jamais habité les lieux», disent-ils. Des révélations graves Les révélations sur ces dépassements confirment tout ce qui a été dit sur ces opérations de recensement des habitants des quartiers menacés par les glissements de terrains. Dans un passé récent, plusieurs résidents ont dénoncé des agissements pareils dans un quartier du centre-ville, mais ces protestations ont été vite étouffées. «Tout le monde est au courant de ce qui se passe, mais personne n'ose en parler de peur de voir son dossier bloqué lui aussi», nous affirme un résident à la rue Kitouni. En fait, ce qui se passe dans les rues Kitouni, Les Maquisards, et autres lieux concernés par ces opérations de relogement, à l'instar aussi des bidonvilles, n'est qu'une facette d'un grand trafic qui s'opère à l'échelle de la ville. Des personnes, bien au fait de ce dossier, affirment que des individus étrangers même à la wilaya ont bénéficié de logements qu'ils ont revendus, et sont revenus encore pour en avoir d'autres. Un véritable commerce qui s'instaure, aux dépens de ceux qui sont vraiment dans le besoin parmi les «vrais» habitants de la ville, et qui attendent ce fameux logement depuis des années. L'exemple du bidonville de Fedj Errih est édifiant. Noureddine Bedoui, à l'époque wali de Constantine, avait déclaré publiquement qu'il était conscient d'avoir donné des logements à des familles de Skikda. L'affaire des rues Kitouni et Les Maquisards, n'est pas, et ne sera pas surement la seule, du moment que les autorités elles mêmes, bien au courant de ce qui se trame, continuent de fermer l'œil, encourageant des pratiques condamnables. Sinon comment expliquer que des personnes étrangères à certains quartiers puissent se retrouver sur les listes de la SAU. Des listes qui ont été pourtant filtrées et arrêtées. Sinon où se trouve la faille, si ce n'est des complicités entre les comités des quartiers et les services de la SAU. Plusieurs questions qui demeurent encore sans réponse, alors qu'un bradage systématique du patrimoine immobilier de la ville est en train de s'opérer.