L'appel du front populaire anti-gaz de schiste, né de la jonction des différents collectifs de wilaya, a été entendu. Des regroupements ont été organisés toute la semaine pour sensibiliser les populations et raviver leur intérêt à la question de l'heure, celle du gaz de schiste. «Il s'agit pour nous de marquer notre soutien à In Salah, à cette belle mobilisation qui se poursuit et défie Sonatrach», affirme Tahar Belabès qui prend part chaque après-midi aux «rencontres d'échauffement» tenues à Souk Lahdjar, près du ksar de Ouargla. Le collectif a choisi la place du 27 Février 1962 pour ce nouveau rassemblement et prévoit une mobilisation plus importante que celle de samedi dernier. «Nous avons misé sur un encadrement plus nombreux qui fait du porte-à-porte dans tous les quartiers, nous avons même opté pour le jeudi, un jour de semaine, pour sonder la population», dit Nadir Boukhetta, membre du comité d'organisation. Des chercheurs du cru local sont associés à cette manifestation qui se tiendra simultanément dans chaque ville du sud du pays. A l'heure où les anti-schiste organisaient une collecte de fonds à l'est du ksar, un groupe de chômeurs bloquait pour la deuxième journée consécutive l'accès à la place du 1er Mai, dans le quartier sud du ksar de Ouargla, réclamant le départ du directeur de l'ANEM. Même son de cloche à Tamanrasset, où l'activité commerciale a repris normalement hier. Les organisateurs d'une marche, à laquelle ont participé des milliers de personnes, appellent à une participation massive à celle d'aujourd'hui, au moment où la direction de l'éducation a tenu une réunion avec l'ensemble des directeurs d'établissements scolaires pour sensibiliser les élèves et leurs parents contre l'implication des écoliers, collégiens et lycéens, dans ce mouvement de protestation. La réunion s'est tenue au siège de la wilaya en présence du wali et des services de sécurité pour étudier l'évolution préoccupante de la situation, affirme notre correspondant. In Salah invoque ses martyrs Toujours déterminés, avec autant de hargne et de révolte contre le maintien des forages de gaz de schiste dans leur région, les habitants d'In Salah ont une fois de plus marché, hier. Une marche qui a fait jaillir quelque 500 personnes de la foule, pour prendre le chemin de Deghamcha El Moudjahidine. «C'est un geste symbolique, nous sommes retournés vers nos martyrs de 1889 pour demander leur soutien, leur baraka.» La marche a donc pris l'itinéraire du hameau d'El Barka, à 3 km d'In Salah, a dépassé l'erg qui sépare la ville du cimetière des martyrs des batailles d'El Feguiguira et Deghamcha, pour arriver aux tombeaux des martyrs tombés au champ d'honneur lors de la prise d'In Salah par l'armée française, au début du siècle dernier. Hadj Mohamed Z. était heureux de voir le mouvement anti-schiste faire ce lien avec le passé glorieux du Tidikelt. Le recueillement a duré une demi-heure, «juste le temps de recharger les batteries et de dire à nos ancêtres que nous ne céderons pas» ajoute-il. A In Salah, au-delà de la mobilisation quotidienne qui a poussé même les femmes à multiplier leurs actions au cours de ces quinze jours de contestation pacifique, ce sont les repères historiques de cette région enclavée dans la plaine du Tadmaït qui remontent à la surface. «L'histoire retiendra que quand il a fallu parler d'In Salah, c'était pour souligner le refus populaire massif au gaz de schiste», affirme Abdelkader Bouhafs, cadre à Sonatrach et activiste de l'association Shams In Salah. Et d'ajouter : «Il ne sera pas dit que le nom de notre ville est associé à l'acceptation de la catastrophe écologique qui découlera sûrement de l'extraction du gaz de schiste, si jamais les autorités persistent à le faire. In Salah, une ville du désert qui pèse sur l'échiquier national ? Les habitants n'ont pas encore avalé le parallèle avec Paris ou la tour Eiffel qui empêcherait la recherche du gaz de schiste», comme l'a souligné le représentant de Sonatrach lors du débat télévisé initié, lundi dernier, par la 3e chaîne de télévision à propos des protestations anti-gaz de schiste dans le sud du pays. «Pour nous, In Salah est encore plus importante que Paris, ne serait-ce que parce qu'elle renferme les plus grands gisements de gaz, d'eau et d'ensoleillement d'Algérie.» In Salah l'oubliée est remontée dans l'estime de ses propres habitants depuis qu'elle symbolise et cristallise le mouvement d'opposition au gaz de schiste en Algérie.