La question des relations algéro-marocaines et le conflit du Sahara-Occidental revenaient avec une certaine régularité durant tout l'été. Et même avant, comme s'il s'agissait de répondre par avance à certaines interrogations qui sont autant de sollicitations, et d'anticiper sur des démarches, une hypothèse qui s'est avérée fondée. C'est d'abord la sèche réplique de Abdelaziz Belkhadem qui a déclaré avec beaucoup de solennité que l'Algérie n'était pas le tuteur du peuple sahraoui. Ce qui est clairement adressé à tous ceux qui voulaient contourner l'obstacle du plan de paix onusien et sacrifier les droits de ce peuple par le biais d'une solution. Fin de l'été, et comme si cela ne suffisait pas, le ministre algérien rappelle cette position de principe en présence de l'envoyé spécial de l'ONU qu'il venait de recevoir. Belkhadem, en fait, ne rejetait pas des sollicitations ou à tout le moins des suggestions espagnoles ou autres en vue de trouver cette fameuse solution, mais exprimait devant Alvaro de Soto l'exaspération et le refus de l'Algérie de poursuivre cette quête alors même qu'il existe un plan de paix accepté par le Maroc et le Front Polisario, les deux parties en conflit, endossé par la communauté internationale. En termes très diplomatiques, Alger avait fait part de son mécontentement alors même que cette même ONU avait identifié le Maroc comme étant la source du blocage. L'autre volet intimement lié au premier à cause justement du Maroc, qui a voulu à tout prix conditionner l'un par l'acceptation de l'autre, est celui des relations bilatérales dont l'assainissement a été confié en décembre 1994 à des groupes de travail. On sait aujourd'hui que ces commissions n'ont jamais siégé en raison de l'opposition du Maroc qui a fait du règlement du conflit du Sahara-Occidental, « dans le cadre de sa souveraineté et de son intégrité territoriale » la condition de la normalisation de ses relations avec l'Algérie. Plus clairement, il veut qu'Alger cesse de soutenir le droit du peuple sahraoui à l'autodétermination et accepte le fait accompli marocain au Sahara-Occidental. Son ministre des Affaires étrangères, Mohamed Benaïssa, en avait même fait la condition de la relance des activités de l'UMA (Union du Maghreb arabe) à Alger même, mais il avait alors suscité l'exaspération de ses pairs pour qui la question des frontières du Maroc telles que reconnues internationalement n'a jamais été soulevée. Une manière de dire au ministre marocain d'énoncer clairement les choses, ce qu'il se garda de faire. Mais cette fois, l'Algérie a décidé de rendre coup pour coup et de ne plus faire le dos rond quand elle est attaquée. A la surenchère marocaine et aux sollicitations extérieures pour l'amener à renoncer à un principe qu'elle n'est pas seule à défendre, elle réplique de manière claire et sans équivoque. Ses relations avec le Maroc, fait-elle savoir, doivent être « débarrassées de toute action unilatérale, et principalement ne plus être tributaires de préalables inacceptables, comme la consécration du fait accompli au Sahara-Occidental et le mépris de la légalité internationale ». L'instauration du visa et sa levée par Rabat constituent une action unilatérale, et Alger, rappelle-t-on, avait refusé d'appliquer quand le Maroc est revenu sur la mesure qu'il avait imposée il y a dix années. Il y a un contentieux, rappelle-t-on de ce côté de la frontière, et dernièrement le ministre algérien de l'Intérieur en avait rappelé la consistance souvent liée à une seule sécurité prise dans son sens le plus large. Une manière de dire que la réouverture des frontières est encore loin et qu'il n'est plus question pour les spécialistes de financer l'économie marocaine avec des transferts vers le Maroc évalués annuellement à des milliards de dollars. Ceci étant, l'Algérie va encore plus loin dans sa réplique au Maroc en rappelant que le conflit du Sahara-Occidental relève de la décolonisation et que l'application de tous les accords conclus dans ce sens par les parties en conflit est « remise en cause par la seule partie marocaine qui persiste à ignorer la légalité internationale et à préconiser des solutions en dehors de cette légalité ». Plus clairement encore, Alger renvoie Rabat à ses engagements internationaux et rejette toute politique du fait accompli. Ce qui signifie, a-t-elle fait valoir, qu'il n'y aura pas de normalisation des relations avec le Maroc tant que cette question n'aura pas été réglée conformément aux résolutions des Nations unies et « dans le cadre d'un référendum libre et régulier ». La précision n'est pas fortuite là aussi, comme pour dire que la consultation électorale ne saurait être une fin en soi et qu'elle doit bénéficier de toutes les conditions d'équité, de transparence, de probité et d'impartialité. L'Algérie pose ainsi ses conditions avec un minimum sans lequel rien ne pourrait être possible. C'est sa réponse à la surenchère du Maroc qui croyait certainement qu'il pouvait sans risque placer la barre très haut. C'est ce qui s'appelle une erreur fondamentale.