Financièrement pesantes et très mal ciblées, les subventions à la consommation interne de produits énergétiques, notamment les carburants, deviennent de plus en plus problématiques pour le budget de l'Etat, à mesure surtout que se contractent les revenus pétroliers du pays. Ne disposant encore que de faibles capacités de raffinage, l'Algérie, faut-il le rappeler, importe une proportion conséquente de ses besoins en produits pétroliers, qu'elle cède par la suite sur le marché domestique à des prix administrés, c'est-à-dire très en deçà de ceux réels. Pour l'exercice 2013, révèle le rapport annuel de Sonatrach, «le différentiel de prix généré par les importations de produits pétroliers pour la couverture des besoins du marché national a atteint 373 milliards de dinars, contre 360 milliards en 2012, soit une évolution de 3,6%». Ce différentiel, indique clairement le même rapport, représente «la perte entre le coût d'achat du gasoil et des essences importées et leur prix de vente administré». Non intégrées aux nomenclatures officielles des dépenses publiques, c'est-à-dire aux textes des projets de loi de finances, ces subventions implicites, révélait en 2013 l'ancien ministre des Finances, Karim Djoudi, atteignaient à fin 2012 quelque 775 milliards de dinars rien que pour le carburant. Pour l'année 2014, estiment les professeurs d'économie Raouf Boucekkine et Nour Meddahi, dans une récente étude sur l'économie algérienne, le montant de ces subventions devrait avoisiner les 2400 milliards de dinars, soit le tiers du budget de l'Etat pour le même exercice, sur la base d'une croissance moyenne de 10% de la consommation énergétique interne. «La subvention du carburant est anti-économique et antisociale», tranchent les deux experts, qui suggèrent dans leur étude toute une batterie de mesures urgentes pour faire face à l'actuel choc pétrolier. En ce sens, avancent-ils en guise d'arguments, «une bonne partie de ces subventions passe chez les pays voisins à travers la contrebande», tandis qu'à l'échelle domestique, «ce sont les ménages les plus aisés qui en profitent car ils disposent souvent de plusieurs voitures énergétivores». Aussi, soutiennent les mêmes experts, «il paraît clair qu'il est possible d'augmenter le prix de l'essence sans toucher au contrat social», c'est-à-dire sans qu'il y ait d'impact social majeur. «Une augmentation de 10 DA du prix de l'essence», soulignent-ils encore, rapporterait au pays «un milliard de dollars», c'est-à-dire l'équivalent «d'une masse salariale de 290 000 personnes, à raison d'un salaire mensuel brut de 25 000 DA». L'enjeu premier en la matière, insistent-ils en définitive, est d'œuvrer à «implémenter le système des subventions ciblées».