Nawel Mebarek, un nom à retenir dans la nouvelle scène musicale. Son petit bout de voix, apparemment fragile mais assurément juste, ne vous est probablement pas inconnu. Elle a participé à la plupart des grandes chorales depuis plusieurs années et a chanté sur quelques génériques de feuilletons de la télévision algérienne. Elle se décide enfin à se lancer dans un projet solo, Lemrassem, titre de son premier album, disponible dans les bacs. Sur onze titres, la chanteuse s'essaie, avec plus ou moins de bonheur, à différents genres musicaux : ballades pop, rock, chaâbi, chanson kabyle et même un duo avec le rappeur Harage MC… Comme tout premier album, Lemrassem est foisonnant d'expériences. Retenons dès l'abord la chanson qui donne son titre à l'album. Une mélodie imparable composée par Halim Riad qui signe également les paroles. Comme son titre l'indique, le texte revisite une tradition poétique ancestrale dans le melhoun, et plus généralement dans la poésie arabe, qui consiste en un retour nostalgique sur les lieux du souvenir, notamment amoureux. Le tout est servi par un arrangement jazzy d'Amine Dehane. L'arrangement est d'ailleurs le point fort de cet album. Dehane butine allègrement dans les harmonies latines, les rythmes de toute l'Algérie, la musique celtique... En jeune fille de son temps, Nawel Mebarek, ne se pose plus la question de ce qui est «de chez nous» et ne l'est pas. Il n'y a, après tout, que deux sortes de musiques, la bonne et la mauvaise. On ne sait où classer des titres comme Rabi Yahfedna, une chanson pour fête de mariage sur du pop/rock mâtiné de zorna ! Là encore, la magie de l'arrangement opère assurément. On passera sur la faiblesse des paroles de certains titres pour aller à la plus grande réussite de l'album : Ya mjerbine lahwa. Cette complainte amoureuse, signée Yacine Ouabed (un des plus talentueux paroliers de la scène actuelle, connu notamment pour sa collaboration avec le regretté Kamel Messaoudi) convainc dès les premières notes. Les paroles de cette mélancolique ballade se marient à merveille avec la musique aux accents oranais de Toufik Ameur servie par un savoureux «duel» mandole/accordéon interprété par Mohamed Rouane et Amine Dehane. M'sail enouar, l'autre titre signé Yacine Ouabed, vaut également le détour pour ses paroles autant que pour sa musique latino-algérienne. Si elle compose et s'essaie à l'écriture de paroles, la voix de Nawel Mebarek est sans nul doute son plus grand atout. Juste et sans fioritures, elle s'adapte à différents styles musicaux sans perdre son originalité. Et il y en a beaucoup, de styles, dans l'album. Mais le titre où le talent de l'interprète se déploie peut-être le mieux est un chant kabyle intitulé Tlata temsal. Abandonnant pour un temps sa technicité vocale, Nawel Mebarek s'engage totalement et sans calcul dans cette chanson composée par elle-même pour un vieux poème kabyle qu'elle a déniché dans un recueil de Mouloud Mammeri. Fruit de trois ans de travail et d'une maturation qu'on devine bien plus longue, Lemrassem est un album plein de générosité, frisant l'opulence par moments, renfermant quelques pures pépites musicales à découvrir absolument.Walid Bouchakour Nawel Mebarek, «Lemrassem», édition Belda Diffusion.