Ramtane Lamamra a-t-il rué dans les brancards ? A-t-il menacé de démissionner au vu de ses nouvelles prérogatives ? On peut spéculer sur les raisons ayant conduit le président Bouteflika à revoir sa copie en seulement cinq jours sur les prérogatives des deux ministres chargés des questions internationales, Ramtane Lamamra et Abdelkader Messahel. Mais quelles qu'elles soient, elles portent un rude coup au chef de l'Etat qui, manifestement, a commis une impardonnable erreur d'appréciation d'un domaine qu'il est pourtant censé connaître à merveille puisque lui-même est issu du corps des Affaires étrangères. Et qu'en tant que président de la République depuis 1999, il est le premier responsable de la définition et de la conduite de la politique internationale, le ou les ministres n'étant chargés que de son exécution sur le terrain. Lamamra est incontournable aujourd'hui pour une Algérie qui reprend quelque peu de la vivacité diplomatique perdue depuis des lustres. On peut supposer que c'est par jalousie ou mépris que le président Bouteflika l'a «diminué» lors de l'élaboration de la liste du nouveau gouvernement. Mais là où le bât blesse, c'est qu'il le réhabilite grandement quelques jours après. Et ce n'est pas du caractère du chef de l'Etat, connu pour être constant dans sa hargne. Bouteflika ne pardonne jamais à ceux qu'il n'aime pas. Manifestement, dans cette histoire, quelque chose ne tourne pas rond et cela ne peut qu'être lié à son état de santé en constante détérioration : il pourrait avoir signé sans réfléchir la première liste, celle de la «confusion» des rôles entre les deux ministres Lamamra et Messahel. Ou qu'il ait cédé à des interférences politiques qui l'ont poussé, là aussi sans réfléchir, à rétrograder Lamamra. Le communiqué de «rectification» publié hier ne donne évidemment aucune explication. Au demeurant, ce n'est pas le premier faux pas présidentiel. Le 19 février dernier, un discours d'une extrême virulence, porteur de menaces à l'égard de l'opposition et d'une «certaine presse», avait été rendu public. Une grave irresponsabilité politique venant d'une institution censée être au dessus de tous et devant, à tout moment, tendre des passerelles avec tous les acteurs de la politique et de la société civile. Un discours «corrigé» quelque temps après… La maladie du chef de l'Etat reste toujours au cœur du débat et, dans la lancée, l'absence totale de communication entre l'institution présidentielle et l'opinion publique. La coupure, voire la fracture, s'aggrave au moment où le pays amorce sa descente aux enfers du fait de la crise économique à laquelle le dernier remaniement gouvernemental n'apporte aucune solution solide et durable. Un simple replâtrage chargé de faire gagner du temps à un président de la République gravement malade, qui s'est piégé en se reconduisant pour un quatrième mandat et a piégé l'Algérie avec lui.