Pour narguer son monde, Pierre Nkurunziza n'a pas participé à ce sommet sous-régional. Le porte-parole de la présidence burundaise a précisé que si le chef de l'Etat n'est pas allé en Tanzanie, c'est parce qu'il est en campagne pour les élections. Le sommet de Dar Es Salam, consacré hier par la Communauté d'Afrique de l'Est (EAC) à la crise au Burundi, a finalement accouché d'une souris. Alors que tout le monde s'attendait à ce qu'ils invitent leur homologue burundais à faire ses valises, les chefs d'Etat présents à ce conclave se sont finalement contentés du strict minimum, à savoir demander uniquement le report de la présidentielle le temps que la situation se tasse. Aucun Président présent n'a eu le courage de contester la candidature de Pierre Nkurunziza ou de dénoncer la violence qui s'est abattue sur l'opposition burundaise. Bref, ce sommet annoncé en grande pompe aura été organisé pour rien. «Profondément inquiet de l'impasse actuelle au Burundi, le sommet appelle à un report des élections pour au moins un mois et demi», a indiqué très timidement la déclaration finale du sommet. Pour sans doute se donner bonne conscience, les pays est-africains ont tout de même appelé «au désarmement urgent de tous les mouvements de jeunesse armés» et ont «encouragé le gouvernement burundais à créer toutes les conditions nécessaires pour le retour des réfugiés (burundais) dans leur pays». Mais c'est tout. Le sommet a été plié en deux temps trois mouvements. Le communiqué de la rencontre a été lu par le secrétaire général de l'EAC, Richard Sezibera, en présence des présidents Yoweri Museveni (Ouganda), Jakaya Kikwete (Tanzanie) et Uhuru Kenyatta (Kenya). Le président de l'Afrique du Sud, Jacob Zuma, y a aussi apporté sa caution. Aucun observateur ne s'attendait à lire un communiqué aussi mou, voire aussi complice. Avant l'ouverture des travaux du sommet, deux options fortes pour sortir de la crise étaient pourtant sur la table. La première proposait un report des élections et une transition sans Pierre Nkurunziza. Le feu vert de l'EAC Le Président sortant devait être appelé à abandonner la possibilité de se représenter contre un certain nombre de conditions. La deuxième option portait, quant à elle, sur le report des élections de plusieurs mois, avec des conditions très strictes de respect de la liberté des médias et l'accès aux différents partis au scrutin. Comme on le voit, aucune des deux options n'a finalement été retenue. Que s'est-il passé dans le huis clos du sommet ? Personne ne le sait. Mais autant dire que le président burundais a été sacrément encouragé à aller de l'avant dans son entreprise électorale, surtout que les pays membres de l'EAC ont même «accueilli positivement le retour à l'ordre constitutionnel», après la tentative de coup d'Etat manqué contre le président Nkurunziza le 13 mai dernier. Pour narguer son monde, Pierre Nkurunziza n'a pas, pour sa part, participé à ce sommet sous-régional. Il a été représenté par le ministre des Relations extérieures, Alain Aimé Nyamitwe. Le porte-parole de la présidence burundaise avait précisé, avant l'ouverture des travaux du sommet, que si le chef de l'Etat n'est pas allé en Tanzanie c'est parce qu'il est campagne pour les élections. Une déclaration pour le moins étonnante, alors que les chefs d'Etat de la sous-région avaient précisément convoqué ce sommet pour trouver une issue à la crise née justement de la volonté de Pierre Nkurunziza de se présenter pour un troisième mandat le 26 juin. Autre donnée importante : le président rwandais, Paul Kagame, personnalité incontournable dans la région, a, lui aussi, renoncé à se rendre à Dar Es Salam. De nombreux observateurs considèrent ce faux bond comme un soutien indirect à Pierre Nkurunziza. Il est certain que le président burundais a dû apprécier tout comme il applaudira certainement longuement le «feu vert» qui vient de lui être donné par le sommet de Dar Es Salam.