Pendant que les indicateurs financiers du pays s'enfoncent dans le rouge, Abderrahmane Benkhalfa, ministre des Finances, fredonne la même rengaine, se refusant à mesurer mathématiquement l'indice de résilience de l'économie du pays au choc pétrolier. Invité hier, dans les studios de la Radio algérienne (Chaîne III), le ministre des Finances oppose un optimisme démesuré par moments quant aux moyens dont dispose le pays pour faire face à la chute des cours du pétrole. Hier, alors que la déroute des prix du brut s'accentuait, chutant à 43 dollars le baril sur la place de cotation londonienne, Abderrahmane Benkhalfa estimait que l'impact sur l'économie algérienne n'est point «frontal». Selon lui, les pays affectés par la chute des prix du pétrole s'insèrent dans deux catégories distinctes : ceux qui reçoivent le choc de manière frontale faute d'une épargne institutionnelle et ceux qui sont moins exposés à ce choc, les moins endettés, disposant d'une épargne pour y faire face, à l'image de l'Algérie. Allusion faite aux réserves de changes dont dispose le pays, lesquelles n'ont, pourtant, pas résisté à la débâcle des marchés pétroliers, se contractant en conséquence à 159,918 milliards de dollars à fin mars 2015 contre 193,269 milliards de dollars à fin juin 2014, date de l'amorce d'un périlleux effondrement des cours du brut. A l'allure où vont les choses, il est permis de parier sur le retour à l'endettement extérieur, si les prix du pétrole venaient à se maintenir obstinément autour des 50 dollars le baril. Pour le ministre des Finances, «nous ne sommes pas encore dans une étape où il faut rechercher des financements ailleurs». Après plusieurs mauvais chiffres sur l'état de résilience de l'économie algérienne face au choc pétrolier, le gouvernement fait encore le choix de taire l'alarme, s'enlisant dans une politique à faible rendement économique, voire destructrice de richesses. Mais concrètement, que peut-on enfin faire pour sauver les meubles ? Absence d'arguments Sans convaincre, le ministre des Finances suggère quatre axes de travail sur lesquels s'appuie, paraît-il, la politique du gouvernement : «Rationalisation des dépenses, réduction des niveaux de consommation et de gaspillage de l'énergie, redynamisation de l'investissement et mobilisation des acteurs économiques et des citoyens autour de l'impératif de croissance.» Parallèlement à cette approche retenue, sans être accompagnée de coupes budgétaires dans les faramineuses poches de transferts sociaux et de subventions, l'Exécutif mène une campagne de séduction auprès des fortunes qui prospèrent dans les circuits informels de l'économie. Objectif : optimiser la mobilisation des ressources. «Dans cette marge de manœuvre dont nous disposons, nous ferons en sorte que dans les années à venir, nous devrions recycler tout l'argent qui est recyclable.» L'Exécutif n'hésitera pas non plus à tailler dans le budget des ménages, à coup de mesures fiscales (taxe foncière, relèvement de la taxe de collecte des ordures, de l'impôt à l'acquisition de véhicules neufs, dévaluation du dinar…). Mais le retour de bâton risque d'être sévère sur l'économie. Il faut s'attendre à ce que, à court et moyen termes, les indices de consommation et de production soient tirés vers le bas, tandis que celui de l'inflation retrouve ses moments de gloire vécus en 2012. Cependant, pour le ministre des Finances, l'heure n'est pas encore aux mesures de rupture, encore moins aux arbitrages douloureux. «La marge de manœuvre n'est pas réduite par rapport à d'autres pays et le choc n'est pas frontal comme ce fut ailleurs. Nous avons une marge de manœuvre et, pendant ce temps qui nous est imparti, il faut optimiser au maximum les moyens pour faire face à la situation», se contente-t-il de dire, s'obstinant dans son idée que le feu n'est pas encore en la demeure.