Jetés en prison depuis près de deux mois, les 25 détenus de Ghardaïa sont dans l'attente d'un procès qui risque de tarder ; leur détention provisoire risque de se prolonger illégalement. A cet effet, l'ONG de défense des droits de l'homme Human Rights Watch (HRW) a réclamé, hier, des autorités algériennes de «relâcher ou de juger dans un délai raisonnable et lors d'un procès équitable et public» Kameleddine Fekhar et ses coaccusés. Dans une déclaration rendue publique, HRW a estimé que «si le gouvernement dispose de preuves indiquant que Kameleddine Fekhar a joué un véritable rôle dans ces violences tragiques et qu'il n'est pas détenu uniquement en raison de ses fortes convictions, ces preuves devraient être présentées lors d'une audience publique», a affirmé Sarah Leah Whitson, directrice de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. «Faute de telles preuves, le gouvernement devrait relâcher Kameleddine Fekhar», a-t-elle exigé. Citant l'un des avocats de la défense, Noureddine Ahmine, l'organisation de défense des droits de l'homme précise que «le juge d'instruction n'a pas encore convoqué de témoins ni interrogé les accusés. Selon les informations dont dispose HRW, la police et le ministère public n'ont encore présenté à l'équipe de défense aucune preuve d'actes criminels dans cette affaire». Pour elle, les autorités «devraient rapidement communiquer aux accusés et à leurs avocats toute preuve les incriminant». Pacte international Rappelant le contexte dans lequel les militants mozabites ont été interpellés, suite aux tragiques événements de Guerarra, HRW demande aux autorités algériennes de respecter les droits des détenus conformément au Pacte international relatif aux droits de l'homme signé par l'Algérie : «Tout individu arrêté ou détenu du chef d'une infraction pénale sera traduit dans le plus court délai devant un juge ou une autre autorité habilitée par la loi à exercer des fonctions judiciaires et devra être jugé dans un délai raisonnable ou libéré.» L'article précise également que «la détention de personnes qui attendent de passer en jugement ne doit pas être de règle» même si la mise en liberté peut être subordonnée à des garanties assurant la comparution de l'intéressé à l'audience. Pour rappel, le collectif de défense a demandé l'annulation du mandat de dépôt en raison de «vice de forme», qui a été rejetée par le tribunal de Ghardaïa. De même, les directives et principes sur le droit à un procès équitable adoptées par la Commission africaine des droits de l'homme affirment aussi qu'«à moins que des éléments de preuve suffisants rendent nécessaire la prise de mesures pour empêcher qu'une personne arrêtée et inculpée pour une infraction pénale ne s'évade, n'influence les témoins ou ne constitue une menace manifeste et grave pour d'autres, les Etats veillent à ce que ladite personne ne soit pas placée en détention préventive». Des principes qui, selon l'ONG, «imposent aux autorités le devoir d'informer la personne des détails des chefs d'accusation retenus ou des dispositions légales applicables et des faits sur lesquels repose l'accusation, de façon suffisante pour indiquer les motifs de fond de la plainte contre l'accusé». Et d'ajouter que «l'accusé doit être informé de façon à lui permettre de préparer sa défense et de prendre immédiatement des initiatives pour obtenir sa libération». Les 25 détenus de la vallée du M'zab emprisonnés à El Ménéa font face à de graves chefs d'inculpation dont «actes subversifs de terrorisme visant la sécurité de l'Etat, la sûreté nationale et l'intégrité territoriale», «formation d'une organisation criminelle en vue de commettre des crimes», «meurtre avec préméditation», «atteinte à l'intégrité du territoire national», «distribution de matériel préjudiciable à l'intérêt national», «participation à un rassemblement armé», «participation à un rassemblement non armé» et «diffamation des institutions de l'Etat». Des crimes passibles de la peine de mort.