L'identité et l'histoire ont été au centre des débats à l'ouverture, jeudi, de l'université d'été du Rassemblement Action Jeunesse (RAJ), qu'a abritée du 3 au 5, la ville côtière de Tichy, 18 km à l'est de Béjaïa. La sociologue Fatma Oussedik et l'historien Mohamed El Korso ont été invités à faire l'éclairage sur ces deux notions intimement liées, lors d'une conférence sur le thème : «L'identité, la mémoire, l'histoire et la construction nationales». Pour ce faire, Fatma Oussedik a commencé par décrire la situation géopolitique en Afrique du Nord et à l'intérieur du pays qu'elle trouve «dangereuse» et «explosive». Dans une telle conjoncture, la sociologue s'adresse à la jeunesse en la mettant en garde contre «les manipulations instrumentalisant l'histoire, les différences ethniques, linguistiques, géographiques et autres à des fins de pouvoir». C'est pour cela, estime la sociologue, qu'il faut «réhabiliter l'histoire et lutter contre l'amnésie qui a rétréci le récit national». Une situation, dit-elle, qui met «le tissu national en danger». Puisque, ajoute-t-elle, «après 1962, la définition de la notion de ‘composantes sociales' de l'Algérie consacrée comme contenant de l'identité sociale dans les chartes nationales par la minorité politique a mis celles-ci front contre front, au lieu de renforcer l'unité nationale et de garantir la diversité dans la pluralité et l'union». Pour la sociologue, cette façon de considérer l'histoire sur la base de principes linguistiques et régionaux a donné lieu à une «conquête de la pureté où tous ceux qui ne se réclament pas du récit du groupe au pouvoir sont exclus et sont systématiquement considérés comme non Algériens, à l'exemple des Berbérophones ou des Francophones qu'on a taxés abusivement d'appartenir au ‘hizb frança' alors que tout le monde a souffert ensemble pendant la colonisation». Or, déconstruit Fatma Oussedik, «l'écriture de l'histoire et la construction de l'identité sociale nécessitent la prise en compte du contexte, le lieu géographique, la mobilité spatiale, mais surtout l'histoire millénaire de l'Algérie qui a été complètement bannie de l'histoire officielle». Et de conclure : «Il faut se mettre à la conquête de l'histoire et produire des récits, des Constitutions qui uniront les Algériens, car on ne construit pas une identité en rejetant sa mère.» Pour sa part, Mohamed El Korso estime que «l'histoire officielle est entachée de subjectivités». En rejoignant sa collègue Fatma Oussedik, l'universitaire considère qu'on a «oublié la résistance populaire qui est le vrai moteur du mouvement national et le référent essentiel de l'écriture de l'histoire algérienne». Replongeant l'assistance dans le récit du Mouvement national, l'historien rappelle que celui-ci, avec toutes les divergences de vues et les différentes sensibilités, la lutte de Libération nationale était commune. El Korso pose la question du rôle de l'écriture de l'histoire dans la construction de l'Etat-nation, déroulant l'approche entreprise par les différents dirigeants du pays sur cette question de 1962 à nos jours. «De Boumediène qui, sous prétexte de protéger la Révolution et au nom du peuple, a interdit la hiérarchisation des noms historiques, à Chadli qui a voulu une réécriture de l'histoire alors qu'elle n'est même pas écrite, à Bouteflika qui, bien qu'il ait réhabilité la personne de Messali et fait un pas dans la reconnaissance du génocide du 8 Mai 1945, l'histoire qu'on enseigne à nos enfants est morte», défend l'historien. Pour ce dernier, l'heure est à la sensibilisation des citoyens, en particulier les jeunes, pour qu'ils s'organisent de façon à se réapproprier leur histoire. Notons que l'université d'été du RAJ se veut, cette année, un hommage à Ourida Chouaki et Assia Djebar, deux dames du savoir et militantes pour l'égalité, la liberté et la dignité humaine, récemment décédées. Organisée sous le signe : «Jeunesse, engagement, citoyenneté et développement», l'université d'été du RAJ a préparé un cycle de travaux comprenant des conférences-débats, des ateliers et des projections. Les thèmes choisis tournent autour de «la liberté d'association et de rassemblement, réalité et défis, jeunesse, développement durable et environnement, la femme algérienne et le défi de l'égalité entre l'homme et la femme, la jeunesse et l'éducation, quelle place et quel rôle pour l'élite algérienne, les médias alternatifs et associatifs, vecteur de développement». La deuxième journée des travaux est chargée, avec notamment les ateliers qu'ont animés le porte-parole du CLA, Achour Idir, l'économiste Mourad Ouchichi, le militant politique et écrivain Brahim Tazaghart, la sœur de la défunte Ourida Chaouki, Yasmina Chouaki de l'association Tharwa N'Fadhma n'Soumer, Karima Belasli et Sabrina Dehri, journalistes et responsables de la webradio Voix des femmes au FEC… Est prévue également, aujourd'hui, une conférence sur le thème «La crise institutionnelle, rôle et place de l'élite», animée par l'avocat et ex-président de la LADDH, Mostefa Bouchachi. A noter enfin que la rencontre a réuni plus de 150 jeunes de plusieurs wilayas et associations telle l'Union des étudiants algériens en France.