F ace à la crise multiforme qui enserre le pays, l'ancien chef de gouvernement, Ahmed Benbitour, plaide pour un «renouveau politique pour parer aux menaces». Intervenant, hier, au forum de Liberté, M. Benbitour signe sa rentrée politique sous le thème de la construction de «l'Algérie de l'espoir» qui passerait nécessairement par une transition démocratique véritable qui devrait intervenir au lendemain de «la chute inévitable du régime». Enfilant son costume d'expert économique, il a dressé un tableau peu rassurant de l'état du pays, tant aux plans politique qu'économique et social. «La réalité de l'Algérie de demain se caractérise par un Etat déliquescent, une société malade et une économie vulnérable, volatile, dépendante, en déficit de moyens de financement. Autrement dit, un pays ouvert à tous les dangers. D'où la nécessité de renouveau pour parer aux menaces, profiter des opportunités et construire l'Algérie de l'espoir», prévient-il. Et «si la peur d'aujourd'hui est connue, on passera à la peur de l'inconnu si l'on ne met pas de l'ordre dans l'espace politique», redoute-t-il. Son concept de «renouveau de la pensée politique» consiste «à préparer la société et les meneurs de la période de transition pour s'engager dans la réalisation datée, avec un système de contrôle de la mise en œuvre d'un programme politique». Concrètement, pour le conférencier, il s'agit essentiellement de «renforcer l'Etat de droit, de promouvoir les initiatives qui assurent l'opportunité d'indépendance financière des citoyens et des associations par rapport à l'Etat, d'encourager la lutte contre la corruption, de promouvoir une décentralisation du pouvoir de prise de décision économique et un développement régional intégré et surtout d'encourager la coopération entre les partis politiques de l'opposition et les éléments dynamiques de la société civile». Tout un programme. Mais il reste la possibilité de sa mise en œuvre, en l'état actuel des choses, où le pouvoir refuse de reconnaître son échec et l'incapacité de l'opposition à inverser le rapport de force. Ahmed Benbitour estime que la perspective démocratique «qui prône la libération de la société est inéluctable», d'autant qu'à l'horizon pointe «le crépuscule de la rente et de la prédation», tance-t-il. Et pour faire corps avec la Coordination pour les libertés et la transition démocratique (CLTD) dont il est un des animateurs, Ahmed Benbitour appelle à un changement de système de gouvernance qui passerait forcément par une élection présidentielle anticipée. «Compte tenu des dangers qui menacent le pays et surtout de l'épuisement des ressources de financement, il faut changer le système de gouvernance qui commence par une élection présidentielle anticipée, car c'est le sommet de l'Etat», préconise M. Benbitour. Mais il exige un préalable : une élection anticipée qui sera gérée et contrôlée de bout en bout par une instance de surveillance indépendante, comme le recommande la CLTD. Evoquant la crise économique induite en partie par la chute des cours du pétrole, Ahmed Benbitour estime que la perspective d'une remontée des prix n'est pas envisageable. «Les prix ne connaîtront pas de hausse notable durant la prochaine décennie, à cause du rythme d'augmentation de l'offre supérieur à celui de la demande. D'où l'offre excédentaire et la pression sur les prix à la baisse», analyse-t-il. Une situation qui met en difficulté le gouvernement et dont les conséquences commencent à peser sérieusement sur la société. L'équipe au pouvoir peine à fixer un cap en mesure d'inverser la tendance. Le virage de l'austérité pris par le gouvernement Bouteflika est fortement décrié par la classe politique et surtout rejeté par les classes populaires. L'ancien chef de gouvernement n'exclut pas une explosion sociale.