Même en parachevant son épique processus de restructuration des services les plus sensibles, ayant connu le point d'orgue la semaine dernière avec le départ du général Toufik, le pouvoir s'aperçoit qu'il n'a pas sorti le pays du statu quo, celui d'une crise politique profonde. Les partis de l'opposition s'accordent à dire que les dernières décisions présidentielles, aussi symboliques soient-elles, ne permettent pas de dépasser l'impasse institutionnelle qui plombe la vie nationale. Le FFS, pourfendeur historique de la «police politique», devant être le baromètre des changements ayant concerné les Services secrets, s'est interrogé si la démarche du pouvoir ne visait pas la «pérennisation du système». Pourtant, le pouvoir ne peut pas offrir meilleur gage en direction de l'opposition en démembrant les services de renseignement, lesquels ont toujours été invoqués pour expliquer et justifier l'inanité de l'action politique autonome. A la CLTD, on convient que le discours et les réunions confidentielles ne suffisent pas pour lancer une dynamique et imposer une alternative. L'on admet également que les personnalités politiques, en l'absence d'un ancrage populaire, n'ont pas contribué à établir le nouveau rapport de force devant faire fléchir le système qui régente le pays. Si le MSP avait choisi de rencontrer l'incontournable Ouyahia, en juillet dernier à la présidence de la République, le RCD décide de reprendre les actions de rue et a lancé récemment un appel à une marche populaire à Tizi Ouzou pour début octobre prochain. Les autres compartiments de l'opposition se suffisent de s'interroger sur la paternité des dernières décisions ayant chamboulé les structures sécuritaires du pays, avant d'essuyer la mise au point de la patronne du PT soulignant que le président de la République a été le seul décideur de ces changements. La crispation du pouvoir, qui installe dans la brutalité une certaine homogénéité interne, met quasiment en demeure l'opposition de construire une stratégie de lutte qui réponde aux attentes et recueille l'adhésion des populations. Comme l'ont indiqué de nombreux observateurs, la canalisation et la structuration des mouvements démocratiques sont la seule démarche qui garantirait un renouveau politique avec un moindre coût pour le pays et la société. Le spectre de l'explosion sociale, qui se trouve alourdi par les difficultés économiques nées de la crise pétrolière, équivaudrait, le cas échéant, à un nouveau saut dans l'inconnu, le dernier en date, celui d'Octobre 1988, ayant précipité le pays dans les bras armés de l'ex-FIS. La mission de l'opposition prend une acuité et une gravité particulières devant l'irresponsabilité de l'Exécutif, qui se charge de la tâche de sortir le pays de la crise économique. Le gouvernement met un pied dans l'austérité tout en gardant l'autre dans une dangereuse démagogie. Tout en préparant un train de mesures qui toucheront au pouvoir d'achat de larges pans de la population, il se trouve un ministre qui promet de faire bénéficier les journalistes d'avantages dans les transports, les communications et autres. Ce déni de la réalité, celle de la détresse de millions de citoyens qui vivent dans la précarité, sous perfusion du filet social, est le meilleur moyen d'accélérer, sinon de provoquer l'explosion tant redoutée.