L'Algérie, à travers son groupe Imétal, a récupéré à titre gracieux la totalité des actions du groupe mondial ArcelorMittal. Les deux parties ont défini un schéma d'accord pour la restructuration de l'actionnariat des sociétés ArcelorMittal Algérie (AMA), ArcelorMittal Pipes & Tubes Algérie (Ampta) et ArcelorMittal Tébessa (AMT) sans contrepartie effective. L'annonce a été faite par Abdessalem Bouchouareb, ministre de l'Industrie et des Mines, sur le site même du complexe, à la faveur d'une visite de travail à Annaba. Mais pourquoi le géant mondial quitte-t-il l'Algérie deux années après la renationalisation du complexe sidérurgique d'El Hadjar ? Selon les premières révélations de sources proches du groupe Imétal — que le PDG, à travers son intervention avant-hier sur la Chaîne 3, a su taire — c'est le géant mondial de l'acier qui a demandé à se retirer à l'Etat algérien. Et l'Etat algérien a accepté ce divorce à l'amiable. «Au lendemain de l'appel aux actionnaires – les groupes Sider et ArcelorMittal – à verser un apport en cash-flow pour financer les activités du complexe d'El Hadjar durant l'arrêt du haut-fourneau n°2 (dont la part du partenaire étranger est estimée à 60 millions de dollars) que la demande a été faite. Se trouvant dans l'incapacité de mobiliser du cash-flow, il lui a fallu une dérogation bancaire pour que les salariés d'AMA soient payés au mois d'août dernier», affirment nos sources. Se trouvant dans une situation financière difficile conjuguée à une chute libre du cours de l'action, passant de plus de 10 euros en mai à 4,5 euros en octobre 2015, et à la revalorisation de la TVA à 30% pour les produits sidérurgiques importés, le premier producteur mondial de l'acier ne peut plus tenir ses engagements, encore moins mettre la main à la poche. C'est du moins ce que confirme, entre autres, le député du Parti des travailleurs Smaïl Kouadria : «Il s'agit d'un accord de séparation négocié à l'amiable avec le groupe ArcelorMittal. Pour ne pas froisser son image de marque, on évite de qualifier l'accord de renationalisation. Parmi les raisons l'ayant poussé à quitter l'Algérie, le groupe ArcelorMittal se trouve dans l'incapacité de mobiliser les fonds pour la réhabilitation du complexe d'El Hadjar, la tuberie sans soudure et les mines de Boukhadra et Ouenza, comme prévu dans le pacte des actionnaires d'octobre 2013. Il se trouve actuellement en sous-performance de premier sidérurgiste mondial par rapport à ses concurrents mondiaux. La valeur en Bourse de l'action ArcelorMittal est allée trop loin dans la chute et a perdu plus de 50% depuis le mois de mai. La faiblesse de la demande en métaux de la part des pays émergents, dont la Chine, est en cause. Enfin, le ralentissement de la croissance dans les pays de la zone euro a poussé le groupe ArcelorMittal à allumer et éteindre ses hauts-fourneaux en fonction des cours mondiaux et de différer tous ses investissements à travers le monde.» L'ex-secrétaire général du syndicat d'ArcelorMittal Annaba avance d'autres raisons relevant des pouvoirs publics. En effet, selon lui, «du côté pouvoirs publics, l'Algérie s'est prémunie dans l'accord d'octobre 2013 qui a été préparé en mai 2013 par des experts sous la conduite de l'ex-ministre Cherif Rahmani en prévoyant qu'ArcelorMittal s'engage à rester dans le capital de sa filiale algérienne pour une durée minimum de 7 ans. En cas de désengagement, la cession des actifs (49%) se ferait sur la base d'un prix prédéfini dans l'accord. Ce prix est conditionné par la réalisation de bénéfices durant les trois années qui précèdent la sortie. Or, AMA n'a pas résisté à cette longue période encore moins réalisé des bénéfices». Avocat d'affaires et expert en arbitrage économique, Me Nasreddine Lezzar s'interroge : «Pourquoi l'Etat algérien a préféré accepter un divorce à l'amiable, ce qu'il aurait pu obtenir gratuitement avec des dédommagements en sus, en faisant jouer les mécanismes juridiques prévus en cas de non-respect des engagements contractuels ? On nous chante, telle une sérénade, que la cession des actions est gratuite. Nous devrions même nous incliner de gratitude devant ce capitaliste qui nous cède gracieusement ses actions dans une société qu'il a mise aux abois et vis-à-vis de laquelle il n'a tenu aucun engagement, notamment ceux prévus dans le business plan. Mais enfin, à y voir de plus près, céder ses actions dont la valeur est laminée par la déconfiture du groupe au plan international et se retrouver dans une société recapitalisée à travers un contrat d'assistance technique est plutôt une bonne affaire pour ArcelorMittal. Que pouvait espérer Lakshmi Mittal de plus ? Un retrait embarrassant qu'il présente comme une œuvre de mécène.»