Face au nombre croissant de patients admis dans les services de psychiatrie, du nombre restreint de soignants et d'infirmiers spécialisés, du manque de places, de logistique et de moyens appropriés, les soins extra hospitaliers constituent une alternative incontournable et efficace pour une meilleure prise en charge des malades souffrant de troubles mentaux quant à leur stabilisation et leur éventuelle intégration dans leur milieu social. Il s'agira aussi de désengorger les services de psychiatrie et mettre les lits à la disposition des malades chroniques nécessitant inéluctablement un séjour à l'hôpital. Dans ce contexte, l'association Graba Abdelhamid de santé mentale de Blida, a instauré un large et enrichissant débat entre professionnels de la santé mentale, en organisant, récemment, à l'amphithéâtre de l'institut du rein au CHU Frantz Fanon de Blida, les 2es Journées Frantz Fanon. Le thème retenue pour cette manifestation scientifique est : «Les hospitalisations en psychiatrie : portes ouvertes, portes fermées». Elle a vu la participation de nombreux éminents spécialistes en santé mentale, à l'instar des professeurs Benabaas et F.-Z. Madoui de Constantine, M. Ould Taleb et B. Semaoune d'Alger, A. Ziri de Tizi Ouzou, pour ne citer que ceux-là. Les participants ont mis l'accent sur le manque de places au niveau des structures d'accueil et de soins et le refus d'hospitalisation dans les centres de psychiatrie en raison de la surcharge des différents services. L'exemple le plus frappant est celui de l'EHS Frantz Fanon de Blida, qui est passé d'une capacité de 2000 lits à 1000 lits actuellement, selon le Professeur A.M. Bencharif, chef de service de psychiatrie légale à l'EHS Frantz Fanon de Blida. «La véritable révolution a été l'introduction des neuroleptiques, qui ont permis la stabilisation du malade et la possibilité d'instituer l'exico-thérapie pour arriver à la psychoéducation et à la remédiation cognitive», souligne notre interlocuteur. Pour le Pr Bencharif, l'hospitalisation ne devient plus l'unique moyen de traitement. «L'hospitalisation ne sera qu'un des traitements thérapeutiques et la base du traitement ne sera qu'ambulatoire, », souligne-t-il. En fait, il s'agira d'un déplacement de l'hôpital vers l'extra hospitalier par la mise en place d'un dispositif adéquat répondant à un projet thérapeutique visant le malade souffrant de troubles mentaux. A l'heure actuelle et selon les intervenants dans le cadre de la santé mentale, les moyens ne se prêtent pas pour une réelle prise en charge du patient dans l'extra hospitalier, faute d'une réelle politique de santé mentale claire et sans ambiguïté. Les CISM sans statuts Les centres intermédiaires de santé mentale (CISM), créés il y a une quinzaine d'années, avaient pour objectif principal la mise en œuvre d'un programme de prise en charge, encourageant la proximité de ces structures avec le malade. Il a été prévu aussi de doter ces structures en moyens humains et matériels pour une meilleure réinsertion sociale des patients souffrant de troubles psychiatriques. «L'idée de créer des CISM est pertinente et a été saluée par les professionnels de la santé mentale», souligne le Pr Mohamed Nedjari, psychiatre, chef d'unité à l'hôpital Mahfoud Boucebci de Chéraga et responsable du CISM de Bouchaoui. Notre interlocuteur révèle que les critères contenus dans l'instruction relative à l'ouverture de ces structures n'ont, malheureusement, pas été suffisamment clairs quant aux modalités de fonctionnement de ces centres. Pourtant, comme l'explique le Pr Nedjari, les CISM sont normalement destinés à combler le vide existant dans la prise en charge extra hospitalière en termes de soins psychiatriques. «Les CISM ont pour mission d'offrir aux malades entre les cures d'hospitalisation et leur milieu environnant, outre la délivrance d'ordonnances de médicaments, des prestations de services pluridisciplinaires pour une meilleure réinsertion psychosociale», note notre interlocuteur. Sans statuts ni textes qui les régissent, sans codification des actes médicaux, les CISM ne pourront jouer leur rôle, celui de la prévention des rechutes. Selon notre spécialiste, un CISM fonctionnant selon les normes requises, à travers les soins qu'il offre, évite à une population malade le retour précoce et fréquent à l'hôpital. «L'hospitalisation constitue pour l'Etat un budget encore plus lourd, une autre rupture et un fardeau pour la famille, et pour le patient un traumatisme, un retour en arrière, un véritable acte de désocialisation», avertit le Pr Nedjari. Elaborer des textes et définir un cadre réglementaire permettront aux CISM d'engager un travail de proximité extra hospitalier de qualité.