La conjoncture difficile que traverse l'économie nationale depuis l'amorce de la chute des cours du pétrole a intensifié le débat sur les pistes à suivre pour la diversification de la production nationale. Une question qui est au centre d'études et de recherches depuis plusieurs années, sans pour autant être effectivement prise en charge. Ce ne sont pourtant pas les propositions et les recommandations qui ont manqué dans ce cadre, que ce soit du côté des experts, des centres de recherche des opérateurs économiques, des institutions internationales, ou même des décideurs, comme l'illustre la dernière instruction de Abdelmalek Sellal portant sur le développement de la production nationale adressée aux membres du gouvernement en août 2013. Les différentes tripartites tenues jusque-là ont également longuement abordé ce dossier, à l'image de celle de mai 2011 consacrée exclusivement à l'économie. Cependant, les transformations structurelles et les réformes ont tardé à venir. L'embellie financière qu'a connue le pays au cours de cette période a fini par reléguer cette question au second plan. Tant que le gouvernement pouvait se permettre un rythme de dépenses soutenu pour tenter de sauver ou de restructurer des entreprises publiques moribondes sans changer de mode de gouvernance et pour importer massivement, on continuait à dévier la trajectoire de la diversification économique et à reporter les réformes. Maintenant que les ressources financières s'amenuisement, place à la recherche d'un cap à une économie longtemps dépendante de la rente en associant le patronat. Le ministère de l'Energie et des Mines a d'ailleurs institué dans ce cadre une réunion mensuelle de concertation avec les organisations patronales sur les moyens de promouvoir la production nationale. De même qu'il a multiplié les annonces portant sur le code de l'investissement, le foncier, l'accès au crédit et à la promotion de l'entreprise de manière globale. Ainsi, après s'être engagé à récupérer le foncier non utilisé par le secteur public (alors que les projets des parcs industriels tardent à être finalisés), le département d'Abdeslam Bouchouareb promet «une réforme de fond» du dispositif actuel régissant l'entreprise. Encore des promesses A l'occasion de la 4e édition des «Journées d'entreprises» organisée sous le thème «L'entreprise comme acteur principal» dans la diversification de l'économie nationale, à l'initiative du Forum des chefs d'entreprises (FCE), le directeur général des PME au ministère de l'Industrie et des mines, Abdelghani Mebarek, a annoncé la réforme du dispositif de soutien des PME sur les plans législatif et institutionnel. Des changements sont ainsi annoncés dans le soutien aux entreprises de manière à éviter la démarche standard. En d'autres termes, les aides seront arrêtées en fonction des besoins de chaque PME. Le représentant du ministère de l'Industrie est par ailleurs revenu sur la mise à niveau des entreprises, un dossier qui a fait couler beaucoup d'encre et qui a consommé une importante enveloppe financière (400 milliards de dinars) sans pour autant donner des résultats. Ce que M. Mebarek a rappelé. C'est dire l'inefficacité des démarches entreprises jusque-là parallèlement aux difficultés d'entreprendre en raison des entraves sur le terrain. Ce qui n'a cependant pas empêché certaines initiatives individuelles de voir le jour tel que souligné lors de la dernière semaine mondiale de l'entrepreneuriat. Mais le manque de compétition persiste dans une économie qui a fortement besoin de s'ouvrir sur des secteurs porteurs hors hydrocarbures. D'où l'urgence de fixer le cap de l'économie en engageant des réformes, de l'avis du patronat. Ali Haddad, président du FCE, a relevé cette nécessité. «Il est urgent pour notre pays d'engager de profondes réformes. Il est vital de libérer le formidable potentiel de création d'entreprises», a-t-il noté la semaine dernière, plaidant pour la liberté d'entreprendre. Comment ? Au terme de la rencontre — durant laquelle une étude sur les perspectives de la diversification économique à l'horizon 2030 a été présentée —, les experts ont énuméré une série de recommandations en termes de stabilisation du cadre macro-économique de transformations structurelles, de politiques sectorielles et transversales, et enfin concernant le développement des infrastructures. Des recommandations au goût de déjà-vu Des points qui, faut-il le noter, n'ont pas de caractère particulier puisqu'ils ont déjà fait l'objet de propositions. Il s'agit pour les animateurs de la rencontre de diversifier les sources de financement des infrastructures par le recours à la délégation de services (conformément au nouveau code des marchés publics), d'assurer la coordination des politiques macroéconomiques et les politiques industrielle et commerciale, de réduire les rigidités du marché du travail et de libérer les initiatives en ouvrant au privé les secteurs non stratégiques. Le développement du partenariat, l'accélération de la réalisation des projets en cours, la révision de la règle 51/49 (de manière à la rendre flexible) en la réservant aux secteurs stratégiques et en appuyant le développement des Investissements directs étrangers (IDE) figurent aussi parmi les recommandations des journées d'entreprises. Cette dernière question a été longuement débattue.Naji Benhassine, manager de la Banque mondiale chargé de la région MENA a cité dans ce cadre l'exemple de la Chine, qui applique une politique flexible et adaptable aux conjonctures économiques, Au niveau commercial, les experts ont proposé le développement des zones franches et l'élaboration d'un audit de la logistique du commerce extérieur. Pour mener ces réformes et assurer leur suivi, les conférenciers ont suggéré le retour du Commissariat général à la planification et la prospective. En d'autres termes, réhabiliter la planification après avoir tergiversé autour. Faudrait-il rappeler dans ce cadre qu'à chaque fois qu'un travail est entamé en termes de prospective et de planification, il est vite reporté ou ignoré au gré des politiques et au détriment de l'intérêt économique. Quel mode opératoire adopter ? Et pourtant, la nécessité d'un système national fiable de la prospective et d'un autre pour l'information statistique comme outils d'aide à la prise de décision publique a été soulignée à maintes reprises. Des décisions avaient été prises à cet effet, mais sont restées sans lendemain. Il y a d'abord eu la création d'un Commissariat général à la prospective et à la planification (CGPP) sous la direction de Sid Ali Boukrami en 2006, puis son officialisation en 2009. Le CGPP avait mené une étude sur la diversification de l'économie à cette époque marquée par la crise économique mondiale. Le plan des investissements publics 2010-2014 avait été également soumis, dans sa phase de conception, à l'analyse du CGPP qui a eu à tracer les lignes directrices et la méthodologie à suivre dans la formulation des projets contenus dans ce plan. Mais, au final, le travail est resté dans les tiroirs du gouvernement. L'arrivée, en mai 2010, d'Abdelhamid Temmar comme ministre de la Prospective et des Statistiques n'a pas apporté de grands changements. Son travail sur la stratégie Algérie 2030 a été suspendu au bout de deux ans après la nomination d'un Secrétariat d'Etat auprès du Premier ministre, chargé de la Prospective et des Statistiques qui n'a pas fait long feu également (éjecté en 2013), avant d'être remplacé en mai 2014 par un ministère délégué chargé du budget et de la prospective. Que de temps de perdu à tergiverser sur le rôle de la prospective jusqu'à ce que le retournement du marché pétrolier rattrape de nouveau l'économie nationale pour rappeler l'importance d'un tel outil, mais surtout l'urgence d'une diversification. Le mode opératoire sera-t-il enfin trouvé ?