Les produits laitiers non pasteurisés sont-ils à l'origine de la poussée de tuberculose ganglionnaire chez l'homme ? Les spécialistes des services hospitaliers de Médéa observent la prudence en l'absence de réaction de l'Institut Pasteur d'Algérie(IPA), mais enregistrent un nombre important de cas de tuberculose extra-pulmonaire chez des patients en proximité avec l'élevage de bovins. Le problème est d'autant plus grave que ces atteintes sont plus résistantes que les tuberculoses classiques. Des biopsies ont été pratiquées sur des patients et envoyées à l'IPA afin de déterminer le typage du bacille. Malheureusement, disent-ils, l'Institut Pasteur tarde à rendre ses conclusions malgré une seconde relance par envoi d'échantillons qui permettraient de déterminer si la filière bovine est à l'origine de cette poussée tuberculeuse. La colère des médecins et des vétérinaires vise surtout la légèreté à la base de la collecte de lait auprès des producteurs, désormais dispensés du certificat de vaccination des bêtes pour des raisons liées au marché laitier. La maladie n'est pas visible chez les bovins, même dans ses stades avancés. On la découvre après l'abattage, par un examen sur la carcasse. Les foyers peuvent se trouver dans n'importe quel organe avec un privilège pour les poumons et le cou. Pour des raisons financières, les éleveurs préfèrent garder leurs vaches, même quand elles sont visiblement malades. Les remboursements assurés par les services de l'Etat ne semblent pas à la hauteur des pertes. Un éleveur atteint de tuberculose ganglionnaire raconte : «J'avais une vache malade. On m'a conseillé de la vendre. Mais ma conscience m'en a empêché. J'ai préféré la conduire à l'abattoir. On a découvert ses entrailles noires de maladie et elle était impropre à la consommation.» Le problème prend une dimension importante à l'échelle de tout le territoire avec le mode alimentaire du couscous le vendredi accompagné de lait fermenté ou caillé non pasteurisé. Sur les 22 000 cas de tuberculose recensés l'an dernier, 61% étaient d'origine ganglionnaire cervicale. Le directeur général de la prévention au ministère de la Santé, Smaïl Mesbah, affirmait que même si l'Algérie avait réussi à inverser la tendance de la tuberculose pulmonaire vers la baisse, la tuberculose extra-pulmonaire est aujourd'hui «un défi criant» à relever. En effet, le poids du drame humain avec plus de 16 000 cas recensés et le coût d'un traitement lourd devraient inciter à la mise en place d'une sécurité alimentaire fondée sur une bonne information des consommateurs qui continuent à s'approvisionner chez les laitiers dits «traditionnels» au mépris des risques.