Ahmed Ouyahia ne rate plus une occasion pour s'attaquer à ses deux partenaires de l'Alliance présidentielle en exhibant haut et fort sa « différence » ou son désaccord par rapport à certaines questions d'ordre national. Quinze jours après sa sortie médiatique marquée par sa retenue sur nombre de questions cruciales telles que les raisons de son départ du gouvernement, le secrétaire général du RND est intervenu, jeudi dernier, au forum hebdomadaire de la Chaîne II de la Radio algérienne la langue déliée. Evoquant la révision de la Constitution, M. Ouyahia a clarifié davantage sa position en précisant que son « soutien » à cette démarche vient du fait qu'elle soit « porteuse de plus de stabilité » au pays. Il estime qu'il ne faut pas « changer pour changer », tout en dénonçant le fait que cette révision - qui est la prérogative du seul chef de l'Etat - soit « récupérée » par des partis politiques pour en faire leur cheval de bataille. « Je ne reconnaîs à aucun parti politique le droit de prendre l'initiative de la révision constitutionnelle. A commencer par le RND », a-t-il lâché. L'attaque à peine voilée est dirigée vers l'actuel chef du gouvernement et également secrétaire général du FLN (membre de l'Alliance présidentielle), Abdelaziz Belkhadem, qui avait, rappelle-t-on, déclaré à la presse, au lendemain de sa nomination à la tête de l'Exécutif, que sa première priorité va vers la révision de la loi fondamentale qu'il n'a cessé de prôner auparavant. M. Ouyahia ne s'est pas arrêté à ce niveau. Il a encore descendu en flammes ceux qui réclament un régime présidentiel en Algérie et qui demandent la dissolution du Conseil de la nation. Là aussi, M. Ouyahia s'est attaqué au FLN, qui a toujours revendiqué un système présidentiel et la dissolution du Sénat. L'ex-chef du gouvernement considère que le régime semi-présidentiel comme « le meilleur et le seul système valable pour l'Algérie », arguant cela par le fait que la stabilité est encore « fragile » et beaucoup de problèmes y surgissent toujours. Se félicitant des résultats de la tripartite, le numéro un du RND a apporté des clarifications par rapport à la question de l'augmentation des salaires. Il a ainsi précisé que son parti « n'a pas dit non à une augmentation salariale ». Pour étayer ses propos, M. Ouyahia a rappelé que « le lancement du chantier des conventions de branches a été décidé du temps » où lui-même était chef du gouvernement. Seulement, le chef du RND, à son époque au gouvernement, a conditionné cette augmentation par trois critères, à savoir l'inflation, la croissance et la productivité. Il a ainsi chargé ceux qui ont sauté sur l'occasion pour faire de la « récupération politicienne et du populisme ». « Il y a un Etat et un peuple et il serait ravageur d'enfermer la question salariale dans une couleur politique ou l'attribuer à des personnes », a-t-il martelé. Il qualifie de « traîtres » ceux qui « pour des calculs électoralistes ou de mandat expédient l'avenir socioéconomique du pays à la casse ». Continuant sur sa lancée, M. Ouyahia a décoché des fléchettes empoisonnées à l'endroit de Bouguerra Soltani, qui, il y a quinze jours dans le même forum, avait déclaré refuser de faire sa déclaration de patrimoine pour la simple raison que ceux qui la font ne déclarent pas tous leurs biens. Rappelant qu'il s'agissait d'une disposition de la loi, M. Ouyahia a indiqué avoir toujours fait sa déclaration de patrimoine à son arrivée comme à son départ du gouvernement. « Nul n'est au-dessus de la loi », a-t-il insisté. Il s'en est pris aussi à ceux qui glosent sur lui en évoquant sa fortune. « Ils ont dit que je possède des milliers de bus, des usines et des raffineries... Où sont-ils passés ces gens-là lorsque j'ai fait ma déclaration de patrimoine ? Pourquoi ne parlent-ils plus ? », les a-t-il défiés. Par ailleurs, en abordant les tristes événements du 5 octobre 1988, dix-huit ans après, M. Ouyahia n'a pas hésité à rendre hommage aux jeunes de cette époque qui se sont révoltés, d'après lui, contre la misère, l'injustice sociale et pour les libertés et la démocratie. Pour lui, il s'agit d'une date qui a ouvert « les portes de la démocratie » en Algérie, souhaitant qu'un jour l'on connaîtrait « toute la vérité » sur ce qui s'est passé. En insistant sur cela, M. Ouyahia semble vouloir « contrarier » le président Bouteflika qui avait déclaré l'année dernière dans l'un de ses meetings, que le 5 octobre 1988 n'était pas une révolte pour la démocratie et que le peuple a été poussé à sortir dans la rue. Revenant sur « la dissidence » annoncée au sein de son parti, le SG du RND se dit être uniquement « responsable d'un parti politique doté de structures » qui n'a aucune responsabilité « sur ce qui se dit dans les cafés et les salons ».