Des marches, retour des vieux réflexes du pouvoir et tension... La célébration du Printemps berbère cette année risque de dégénérer. Ce 36e anniversaire de cette date symbolique de la lutte pour l'identité et la démocratie, rappelant encore à toutes les générations la nature du régime algérien qui était même hostile aux conférences portant sur la langue et la culture amazighes, pourrait ne pas se dérouler comme d'habitude : dans le calme et la sérénité. Il y a comme une volonté de provoquer à nouveau l'étincelle susceptible de créer le chaos dans cette région, la Kabylie, qui rend, chaque année, hommage à ses enfants victimes de la répression et de l'autoritarisme du pouvoir. Provocation ? Depuis une semaine déjà, des actes provocateurs, c'est le mot, se multiplient. A Tizi Ouzou, Bouira et Béjaïa, plusieurs conférences programmées par les étudiants au sein de leurs universités pour évoquer les événements du 20 Avril 1980 et ceux du Printemps noir de 2001 ont été interdites. De nombreux animateurs, acteurs d'Avril 1980, enseignants universitaires et anciens militants du MCB devant animer des conférences ont été surpris par le refus opposé par les directions des cités universitaires et des universités qui se sont basées sur une instruction du ministre de l'Enseignement supérieur, interdisant les activités politiques. Mais elles ont été maintenues et imposées par les étudiants. Hier encore, une autre conférence d'Ahcène Graïchi et Mouloud Hamrani à l'université de Bouira a été interdite par des policiers qui se sont introduits dans l'amphithéâtre où elle devait avoir lieu. Jusque-là, il n'y a eu aucun débordement. Le plus grand risque est à craindre lors des marches devant être organisées ce matin, dans les trois wilayas, à l'appel principalement du RCD qui «exige une officialisation effective de la langue amazighe» et le MAK qui brandira son slogan de «l'autodétermination du peuple kabyle». Quand le pouvoir cherche à «dépolitiser» Tamazight A la veille de la tenue de ces manifestations, on parle déjà d'une volonté des autorités locales de les empêcher. Pourquoi ? Dans quel but ? On n'en sait rien. Il semblerait que les tenants du pouvoir veulent clore définitivement le débat sur les questions identitaires, après l'officialisation de tamazight dans la Constitution de 2016. Le 16 avril, le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, est revenu sur cette question. A partir de Constantine où il était en visite, il avait affirmé que «l'officialisation de tamazight empêchera sa récupération à des fins politiciennes». Le ministre de la Jeunesse des Sports, Ould Ali El Hadi, qui a battu les pavés de Tizi Ouzou plusieurs années durant pour célébrer cette occasion, abonde dans le même sens. «Aujourd'hui que tamazight est constitutionnalisé comme langue nationale et officielle dans la dernière Constitution, il n'y a aucune raison de marcher pour la revendiquer», déclare-t-il, lors de son intervention, hier sur les ondes de Radio Tizi Ouzou. Mauvaise compréhension de la symbolique de cette date ou mauvaise foi ? Peut-être les deux à la fois. Car pour les acteurs d'Avril 1980 et pour la majorité des militants de la cause amazighe, ceux qui ont été réprimés lors du Printemps berbère n'avaient pas pour seule revendication la reconnaissance de la langue et de l'identité amazighes. Ils demandaient aussi la démocratie, le respect des droits de l'homme et des libertés. L'Algérie d'aujourd'hui est encore loin de ces idéaux…