Dans un entretien accordé à Berbère TV, le patron du groupe Cevital estime que les attaques dont il est l'objet participent d'une volonté de neutraliser toutes les voix qui apportent la contradiction aux options du pouvoir. C'est une guerre totale et asymétrique que mène le pouvoir de Bouteflika contre les voix politiques, médiatiques et économiques dissonantes. Une guerre dans laquelle l'équipe au pouvoir mobilise illégalement les moyens de la collectivité nationale. L'opposition politique est empêchée d'agir quand elle n'est pas accusée de «traîtrise» ; les médias indépendants au ton critique sont la cible des assauts d'un ministre de la Communication déchaîné. Mais depuis quelques mois, c'est le patron du groupe industriel Cevital, Issad Rebrab, qui subit les foudres rageuses d'un gouvernement pris de panique. Célébré à l'étranger, calomnié chez lui. L'adage «nul n'est prophète en son pays» s'applique terriblement à lui. Des ministres de la République se liguent contre cet investisseur pourtant connu et reconnu pour son apport à l'économie nationale en matière de création d'emplois et de richesses. Après une cabale montée de toutes pièces et exécutée par le ministre de l'Industrie et des Mines, Abdessalem Bouchouareb, il y a quelques semaines, le gouvernement revient à la charge et relance les attaques les plus virulentes et les plus viles. Surpris par la reprise d'une partie des actions du groupe médiatique El Khabar par le groupe spécialisé dans l'agroalimentaire Cevital, le gouvernement a intercédé, par le biais du ministre de la Communication, pour empêcher la transaction en actionnant la justice. L'objectif recherché est double : pousser le très influent quotidien arabophone El Khabar à mettre la clé sous le paillasson pour des raisons financières et empêcher du même coup le groupe industriel de se doter d'un groupe médiatique. Habitué aux coups tordus que lui assène le pouvoir depuis des années, Issad Rebrab savait qu'il était «attendu au virage», lui qui est devenu la cible obsessionnelle de Bouteflika. Le chef de l'Etat n'avait-il pas déclaré, en 2004, qu'il ne voulait «pas voir s'installer en Algérie un Berlusconi». Depuis, le capitaine d'industrie voit ses projets d'investissement bloqués. Le rachat des actions du groupe El Khabar à la veille des échéances politiques décisives est un scénario-catastrophe pour l'équipe au pouvoir. En plus de l'appareil judiciaire mis en branle, d'autres milieux sont allés jusqu'à inventer une sordide affaire pour salir l'image du premier patron privé algérien, l'accusant honteusement d'être cité par les scabreux Panama Papers. Mais pourquoi cet investisseur est-il combattu alors que le pays fait face à une crise économique, au moment où le gouvernement devrait mobiliser toutes les ressources disponibles ? La réponse a été donnée par l'homme d'affaires lui-même, avant-hier, au micro de BRTV : «Le pouvoir a peur, ils (les décideurs) se disent si cet homme continue de progresser, il risque de venir prendre le pouvoir ! Ils me bloquent parce que je ne suis pas de leur clan, j'aime mon indépendance, je suis un électron libre, je dis ce que je pense et cela ne leur plaît pas...» Serein et déterminé à se battre, Issad Rebrab réplique et assène : «Ceux-là mènent le pays à la ruine.» Dans sa riposte, l'enfant de Taguemount Azzouz reproche à Bouteflika son régionalisme : «Je ne suis pas de leur région.» Ce n'est pas la première fois que Issad Rebrab, dont le groupe est le premier contributeur privé en Algérie, subit l'acharnement du pouvoir politique. «Ça ne date pas d'aujourd'hui. Je suis habitué à leurs embûches et à leur acharnement. Ils ont essayé de bloquer plusieurs projets industriels qui auraient pu participer à la création d'emplois et de richesse en Algérie. On aurait pu, dans le cadre du projet de Cap Djinet, faire passer notre pays du stade d'importateur à celui d'exportateur et créer un million de postes d'emploi. Nous avons également d'autres projets, au niveau de Béjaïa, qu'ils ont bloqués. Malgré tous ces blocages, nous essayons de participer au développement de notre pays et créer des emplois.» Pour lui, la cause n'est pas perdue, à une condition : «Nous avons le meilleur pays. S'ils avaient laissé les Algériens travailler leur pays, on serait sorti du sous-développement depuis longtemps. Nous avons un grand pays, si on laisse les Algériens travailler, ils tireraient ces gens vers le bas. Il est évident que s'ils partent, il y aura un renouveau. Sans eux, l'Algérie est un pays qui s'en sortira.» En somme, la guerre contre Issad Rebrab et d'autres adversaires politiques et médiatiques participe d'une stratégie déployée à deux niveaux : préparer les conditions et le candidat de la succession et éliminer par tous les moyens — légaux et illégaux — ceux qui se risqueraient à s'y opposer.