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Familles d'accueil cherchent grands-parents
Des dizaines de personnes âgées seules «adoptées»
Publié dans El Watan le 10 - 05 - 2016

L'intégration des personnes âgées au sein de familles d'accueil est certes pratiquée, avec les réussites et les échecs que l'on sait, mais elle n'est, pour l'heure, encadrée par aucune loi.
Je les aime comme ma famille.» Sous son voile blanc, Baya ose à peine lever le regard. Recroquevillée sur un large fauteuil, ses yeux fixent le sol, puis s'illuminent quand elle les pose sur les femmes assises en face d'elle, dans un bureau du foyer pour personnes âgées (FPA) de Sidi Moussa. A 86 ans, elle a le corps frêle et les manières hésitantes d'une enfant. «Et elle en a d'ailleurs parfois les caprices !» la taquinent Yamina et sa fille Cherifa, qui ajoutent, plus sérieusement : «Nous l'aimons aussi et nous n'avons aucunement l'impression que nous avons accueilli chez nous une personne étrangère.
Elle est vraiment comme un membre de notre famille, une tante. Ou parfois aussi comme l'un de nos enfants.» Contrairement à ce que pourraient laisser penser leurs relations, la «famille recomposée» ne se connaît que depuis trois ans, depuis que Yamina, la soixantaine, a décidé «d'adopter» une personne en difficulté issue d'un centre de vieillesse. La procédure, peu répandue et peu connue, a pourtant permis à des dizaines de personnes âgées de retrouver la chaleur d'un foyer, l'amour et le soutien d'une famille.
En 2015, ce sont ainsi 32 pensionnaires de ces centres qui ont été pris en charge par une famille ou par un époux (voir encadré).
«Parfois, ce sont des personnes qui ont des liens de parenté, un neveu ou un cousin qui, par exemple, désire recueillir son grand-oncle esseulé. Toutefois, la loi ne l'y oblige pas et nous voyons souvent de parfaits inconnus tisser de vrais liens par le biais de ce dispositif», se réjouit Mme Hamza, sous-directrice pour l'aide et l'accompagnement des personnes âgées au ministère de la Solidarité nationale. Cette solution de prise en charge des personnes âgées livrées à elles-mêmes demeure pourtant marginale.
D'ailleurs, les cas recensés n'ont été enregistrés que dans sept centres — Bouira, Oum El Bouaghi, Sidi Bel Abbès, Chlef, Mostaganem, Constantine et Sidi Moussa — qui connaissent ainsi de nombreux cas similaires, avec plus ou moins de succès et dont la durée est aléatoire. «Il peut arriver qu'un couple ayant des enfants qui n'ont pas connu leurs grands-parents veuillent leur offrir le bonheur que cela peut représenter. De même, des personnes se présentent dans un centre et expliquent qu'elles viennent de perdre une mère ou un père dont ils cherchent à combler un tant soit peu l'absence. Un affect auquel vient s'ajouter une dimension spirituelle et religieuse, puisque cet accueil est considéré comme de la charité, sadaqa», explique Mme Hamza.
C'est d'ailleurs à la suite d'un drame personnel que Yamina s'est présentée au centre de Sidi Moussa. «Je venais de perdre mon mari», souffle-t-elle, le regard dans le vague, avant de reprendre : «Au bout de quelque temps, j'ai entendu parler de la possibilité d'accueillir pour un certain temps une personne âgée défavorisée. J'ai estimé que cela allait m'aider à me ressaisir et à être moins seule. Mais cela représente aussi un acte de charité pour le repos de l'âme de mon défunt mari, une sadaqa djaria.»
Les liens créés plus dignes que les liens du sang
«Lorsqu'une famille se présente à nous avec cette requête, nous lui présentons les pensionnaires qui peuvent être accueillis. Il faut d'abord, naturellement, que les ‘candidats' le veuillent. Nous préférons, pour des raisons évidentes de sécurité, ne pas confier les personnes qui souffrent de maladies ou ayant une invalidité quelconque», commente M. Challal, directeur du FPA de Sidi Moussa. «Moi, je n'ai pas choisi, c'est Baya qui m'a pris le bras et ne l'a plus lâché depuis !», enchaîne Yamina, à l'intention de sa protégée. Timide et silencieuse, Baya se contente de sourire. Elle ne parle pas et surtout pas pour se raconter. Pourtant, la vie et les gens n'ont pas été tendres avec elle.
Originaire de Aïn El Hammam, l'on sait peu de choses sur ce qu'elle a vécu avant d'être prise en charge par les services sociaux. «Elle n'a pas de famille proche connue. Elle vivait chez une femme, qui est l'une de ses parentes éloignées», relate M. Challal, qui est devenu, par la force des choses, un protecteur quasi paternel pour tous ses pensionnaires. Par pudeur et par crainte, Baya élude le sujet. «Elle a été maltraitée et exploitée durant des années. Baya souffre d'un léger déficit mental et cette femme en avait profité pour lui faire subir des sévices innommables», raconte M. Challal.
Et si Baya ne parle pas de ce douloureux passé, c'est le visage illuminé qu'elle évoque, par-ci par-là, la vie qui est la sienne depuis trois ans. «Je suis allée à La Mecque pour une omra ! J'ai prié pour que les enfants réussissent dans leurs études et pour que Cherifa gagne beaucoup d'argent pour que je fasse le hadj», lance-t-elle, sous les rires attendris de sa famille. Si cette cohabitation dure depuis trois ans, la majorité des familles accueillent ces pensionnaires pour une durée limitée. «Les demandes sont surtout introduites lors d'occasions particulières, comme le Ramadhan», confirme d'ailleurs Mme Hamza.
Un ramadhan qui dure 4 ans
Un Ramadhan qui peut parfois durer beaucoup plus, comme ce fut le cas de «l'adoption» de Maria, elle aussi ancienne pupille du centre de Sidi Moussa. «Mon frère et ma mère voulaient nourrir quelqu'un pendant ce mois sacré», raconte ainsi Réda, qui avoue ne pas connaître les circonstances exactes de la venue et de la rencontre avec Amaria, qu'ils appellent affectueusement Maria. «Au départ, elle était réservée et sur ses gardes, un peu mal à l'aise, pressée de rentrer au centre. Puis, petit à petit, elle s'est intégrée à notre famille, qui était réunie au grand complet pendant le Ramadhan», se remémore-t-il.
Et d'ajouter : «Il était prévu que Maria nous quitte le lendemain de l'Aïd. Mais elle n'en a pas parlé. Ni le lendemain, ni le surlendemain, ni après. Lorsque j'ai évoqué son retour, elle m'a juste répondu qu'elle ne voulait plus y aller, qu'elle voulait rester avec nous. Et cela fait donc quatre ans qu'elle est devenue un membre à part entière de la famille !» Souriante, distante et peu loquace, Maria, 63 ans, semble vouloir être ailleurs. Et pour cause : «Cela n'a pas été facile de la faire venir ici aujourd'hui.
Elle a toujours la hantise qu'on l'abandonne.» Ce qui est d'ailleurs aussi le cas de Baya. Les deux femmes se sont présentées au centre de Sidi Moussa à reculons... «Depuis quatre ans qu'elle vit à nos côtés, qu'elle est de tous nos déplacements et participe activement à la vie de famille, l'angoisse la tenaille toujours», insiste Réda. Sûrement la trace inconsciente des traumatismes qu'elle a subis, commente M. Challal. «Elle a perdu la mémoire à la suite d'un choc émotionnel ou autre», souffle Réda pour que Maria ne l'entende pas.
Derrière chaque pensionnaire, une vie douloureuse
Comme toutes les personnes qui échouent, blessées et meurtries, dans une institution sociale, Maria a eu son lot de peines, de rejets et de malheurs. Quelques mois après leur rencontre, la famille décide d'offrir à la nouvelle «tante» une omra. Toutefois, elle n'a ni souvenir ni papiers d'identité, encore moins de passeport. Réda s'attelle donc à reconstituer la vie de sa protégée. Au fil de ses recherches, quelques bribes de la vie de la femme ont pu être reconstituées. Originaire de Nedroma, dans la wilaya de Tlemcen, Amaria est mariée très jeune à un homme qui la maltraite, et à qui elle vient de donner une fille. Répudiée, son demi-frère se «débarrasse» d'elle. «Son frère l'a apparemment envoyée dans le premier bus qui allait vers Alger.
La police l'a recueillie alors qu'elle errait, hagarde, dans les rues, sans se souvenir de quoi que ce soit de sa vie», relate Réda, qui précise qu'aujourd'hui, Maria se souvient de quelques détails de sa vie. «Elle ne veut plus en entendre parler. La seule chose sur laquelle elle hésite est si elle veut retrouver, ou non sa fille», confie-t-il. Pour Maria, c'est toutefois une évidence : «Ce sont les membres de ma famille et je les aime. Jamais je ne les quitterai.»
Entre expériences enrichissantes et traitements parfois inappropriés
De telles réussites d'intégration familiale, comme celles vécues par Baya et Maria, ne sont malheureusement pas systématiques. Il est ainsi arrivé qu'au bout de quelques semaines, la personne âgée a préféré rentrer, de son propre chef, au FPA. «De même, les services sociaux ont parfois dû retirer la garde à la famille lorsqu'il y avait des traitements inappropriés», déplore Mme Hamza. «Par exemple, nous avons découvert, à l'occasion d'une visite de suivi, qu'une vieille dame passait ses journées à cuisiner et à faire le ménage.
Ce qui est inacceptable», se rappelle-t-elle. D'autant plus qu'en l'absence de cadre régissant ce type d'accueil, seul un «contrat moral» lie les deux parties (voir encadré). Ce qui n'a pas empêché de vraies familles de se former. Et, trois ans après, Yamina et sa famille ne regrettent pas une minute d'avoir «adopté» Baya qui, aujourd'hui, vit avec Cherifa. La preuve ? «Je m'apprête à accueillir une autre femme, qui soit plus indépendante que Baya. L'expérience a été tellement enrichissante que je veux vraiment agrandir la famille...»


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