Oxford Buisness Group (OBG) est un cabinet d'intelligence économique installé à Londres. Il est représenté dans 25 pays, principalement en Afrique du Nord et au Moyen-Orient. Présent en Egypte depuis huit ans, et installé en Algérie depuis 2005, OBG envisage d'ouvrir un bureau en Libye en 2007. OBG produit chaque année un rapport complet sur l'activité économique du pays où il est présent. OBG travaille avec plusieurs organismes internationaux comme l'Union européenne, le Réseau des chambres américaines de commerce, la Banque mondiale et la SFI. Comment travaille Oxford Buisness Group dans les pays où il est installé ? La présence de Oxford Buisness Group est matérialisée par le travail de six à huit analystes internationaux, qui se déplacent chaque année et qui restent au pays pendant plusieurs mois pour étudier un certain nombre de secteurs et rendre compte à la communauté des affaires internationales du contenu de ces secteurs en termes d'opportunités d'investissements, de mise à jour réglementaire, d'environnementr fiscal et légal. On n'est pas là pour s'intéresser au régime ou pour donner des leçons. On est obligé, par contre, d'analyser l'environnement politique parce qu'aucun investisseur ne vient dans un pays sans connaître ce qui s'y passe en termes de stabilité. On ne donne pas de jugement de valeur sur la nature du système politique. On explique juste ce système. Le reste du rapport est économique au sens strict. On rencontre entre 150 et 200 opérateurs dans les différents secteurs , des organisations professionnelles et des représentants du gouvernement. Après, on fait une compilation intelligente des informations. Pourquoi ce choix des pays arabes ? Le PDG d'OBG est un arabisant, spécialiste de la Syrie et du Liban. Le cabinet s'est lancé dans cette région et produisait des études sur le système financier libanais. Rapidement, la couverture éditoriale s'est étendue à l'ensemble de la région. Nous avons été sollicités par les gouvernements. Ce que nous produisons devient souvent un outil de communication pour les gouvernements qui font expliquer, à travers une étude indépendante faite par un cabinet étranger, aux autres pays et aux hommes d'affaires qui veulent investir, leurs potentialités. Dès notre premier contact, les autorités algériennes nous ont recommandés de nous installer. Elles nous ont placés au niveau de la Chambre algérienne de commerce (CACI) auprès de M. Chami qui possède une bonne connaissance de l'économie algérienne. Actuellement, nous travaillons avec le ministère des Participations et de la Promotion des investissements. Notre cabinet ne se concentre pas sur un seul secteur d'activité. La plupart des cabinets étrangers ne traitent que de l'énergie lorsqu'ils viennent en Algérie. Nous voulons montrer qu'un pays ne peut pas se réduire à un seul domaine d'activité. Notre but est donc de montrer la diversité potentielle de l'économie. Le degré de développement des secteurs est bien sûr lié au degré d'avancement de chacun d'eux. Nous voulons élaborer un dossier de cinquante pages sur le tourisme. C'est compliqué. Puisque le tourisme en Algérie n'a pas atteint le niveau de développement pouvant permettre d'établir un dossier fourni. Cela dit, il s'agit d'un secteur à potentiel important, il serait aberrant de ne pas l'ignorer. Nous sommes surtout connus pour nos analyses des secteurs bancaires et financiers. La première partie de nos rapports est toujours consacrée à l'analyse des principaux fondamentaux macroéconomiques et le système bancaire et financier. Nous avons un partenaire de choix dans ce cadre, Lachemi Siagh de Stratégica. La BEA est notre partenaire pour l'analyse du marché bancaire. Avez-vous des difficultés pour l'accès à l'information ? L'ensemble de la communauté d'affaires et le gouvernement algérien nous ont réservé un accueil chaleureux. Les gens sont heureux de constater la présence d'un cabinet étranger qui fait une étude réaliste de la situation économique. Ils ne trouvent pas de mal à communiquer avec nous dans la mesure de ce qui est disponible. En revanche, pour certains secteurs, l'accès aux données statistiques est un vrai problème. Comme l'industrie ou l'agriculture. Pour les informations sur le système bancaire, on constate une amélioration en termes de rattrapage des données consolidées annuelles. Chaque année, on arrive à avoir assez rapidement les chiffres de l'année précédente des différentes banques. Pour l'agriculture, les structures de gestion ne sont pas encore à un niveau de professionnalisation suffisant. L'intérêt de l'Algérie n'est pas encore focalisé sur le secteur agricole. Plusieurs organisations considèrent le risque Algérie élevé. Cette appréciation est-elle justifiée ? Le risque pays est mal évalué pour l'Algérie. Au niveau de notre cabinet, on a un risque pays, qui concerne l'Algérie, inférieur à celui qu'on met souvent en avance, et ce, par la simple raison que nous sommes sur le terrain (...) Le secteur bancaire algérien, quant à lui, accuse un retard et c'est tout le monde qui est d'accord sur cela. Mais il y a un véritable rattrapage qui est en train de s'opérer. Les choses s'accélèrent. La privatisation est en cours. Cela sera un détonateur pour la mise à niveau de l'ensemble des secteurs aussi bien en termes de système d'information qu'en termes de pratique. Il est évident que, aujourd'hui, la structuration du secteur bancaire est un des freins à l'investissement. Mais les investisseurs sont totalement conscients que ce frein va être levé, parce que les mesures nécessaires sont en train d'être prises (...) Les difficultés rencontrées par les banques privées sont dues à la culture bancaire. La communauté algérienne est habituée depuis des années à faire confiance à la banque publique. Parfois, c'est seulement un problème de communication. Les Algériens méconnaissent la crédibilité des institutions bancaires privées. Il y a, en outre, la perte de confiance après le désastre d'El Khalifa Bank. La difficulté de développement des banques privées en Algérie n'est liée ni à la réglementation ni aux difficultés d'obtention de licence. C'est lié à une mauvaise perception de la banque privée. Aux banques privées de se donner les moyens pour bénéficier de la confiance des Algériens. Première manière de montrer qu'on peut leur faire confiance, c'est d'accorder des crédits aux PME. Il y a une responsabilité de l'Etat et des entreprises publiques habitués à travailler avec les banques publiques (...) La difficulté de la gouvernance est liée au problème de la hiérarchie au sein des entreprises algériennes. Le processus décisionnel est trop concentré au niveau d'un seul responsable au sein d'une entité. Il n'y a pas de responsabilisation du management intermédiaire. Question simple : pourquoi les entreprises étrangères ne viennent pas investir en Algérie ? Il y a deux cas différents. Le premier est celui de l'investisseur potentiel qui se dit : « J'ai envie de faire du business avec l'Algérie, mais le risque pays est élevé, je ne m'y installe pas, je commerce. » C'est une distorsion dans la perception de la réalité algérienne. Il y a d'autres investisseurs qui, eux, savent qu'on peut s'installer en Algérie en toute sécurité sans aucun problème et qui ne le font pas à cause des difficultés liées au système bancaire. Si le système financier est libéralisé, ces investisseurs peuvent trouver un endroit pour monter l'usine ou le siège social à des tarifs hissés à ceux de la région. Quand on compare les tarifs du foncier algérien à ceux du Maroc ou de la Tunisie, on est à des degrés de différence importants. Même si le potentiel du marché algérien est largement supérieur aux pays limitrophes. La structuration de l'économie algérienne est encore très dirigée. On ne peut pas passer directement d'une économie dirigée à une économie complètement libéralisée. Pendant un certain temps, il faut que le gouvernement algérien continue à accompagner cette économie, à la diriger de moins en moins, mais à la diriger toujours. Les structures nationales ou étrangères devraient être impliquées pour un transfert de savoir et à responsabiliser des salariés algériens (...). La signature de l'accord d'association avec l'Union européenne est un signe fort. Le fait que l'Algérie restait à l'écart de ce processus était négatif. Cela participait à cette mauvaise interprétation du risque pays. En termes de contenu, certains éléments n'ont pas été négociés de manière optimale. Mais rien n'est définitif, les négociations se referont. Il est question que l'Algérie adhère à l'OMC... Les responsables, auxquels nous nous sommes adressés, ne savaient pas dans quelle direction ils devaient aller pour aboutir à cette adhésion. Avec la manne pétrolière et l'excédent budgétaire, l'Algérie n'a pas de raison de se presser pour adhérer à l'OMC. Les pays émergents qui cherchent à y adhérer sont ceux qui attendent le soutien extérieur. L'Algérie, à mon avis, peut prendre son temps pour négocier cela de manière optimale (...). Cela dit, la manne pétrolière constitue un véritable frein au développement des autres secteurs. Le ministre des Participations et de la Promotion des investissements a fait un travail important grâce auquel il sait bien aujourd'hui de quel type d'investissements a besoin l'Algérie en dehors des hydrocarbures et ce qu'il faut faire pour ramener les investisseurs potentiels dans ce pays. La notion de diversification du commerce a fait son chemin en Algérie. Cela prendra un peu de temps. Elle se fera surtout grâce à la nécessité de prise de conscience de ne pas laisser tous ces jeunes au chômage.