On ne peut pas dire que la mue social-démocrate du président Hollande et de son Premier ministre, Manuel Valls, se fait dans un océan de béatitude. Avec la loi Travail, votée en usant de l'article 49-3 de la Constitution (vote sans débat), c'est comme si le gouvernement français avait activé l'arme atomique pour faire adopter un texte vivement critiqué à gauche et même au sein du Parti socialiste. L'adoption de ce projet fortement décrié a mis dans la rue depuis le mois de mars des milliers de manifestants et suscité une nouvelle forme de contestation avec l'occupation de places publiques sous le mot d'ordre «Nuit debout». Un peu partout en France, notamment à Paris, Lyon, Rennes ou Nantes, des débordements violents ont eu lieu et des bureaux locaux du Parti socialiste dévastés. En plus, des grèves à répétition sont prévues, les prochaines sont annoncées pour mardi et jeudi prochains. Cette loi Travail est dénoncée par ses contempteurs comme étant trop ancrée à droite et inspirée de principes libéraux proches du milieu patronal. Pas assez à gauche en quelque sorte. Comme l'était la loi dite «Macron», de modernisation de l'économie, votée en 2015, qui avait brisé le consensus politique à gauche. De même, après les attentats de novembre dernier, la gauche n'avait pas supporté le virage à droite du gouvernement, qui avait voulu instaurer la déchéance nationale pour les binationaux, même nés Français. Un projet mort-né, mais qui avait permis aux divergences de la majorité de s'exprimer sur la place publique, accentuant la rupture. Aujourd'hui, le fruit est mûr et le Parti socialiste est menacé de scission. Si la motion de censure déposée par les partis de la droite parlementaire n'a pas été votée, 24 voix socialistes, ainsi que des voix communistes et écologistes s'y sont jointes pour tenter de faire tomber le gouvernement. Tandis qu'une motion de gauche, à deux signatures près, n'a pu réunir le nombre de voix pour être enregistrée par le bureau de l'Assemblée nationale. Vendredi dernier, les instances nationales du Parti socialiste ont saisi la haute autorité éthique pour sanctionner ceux qu'on appelle depuis des années les «frondeurs». Ces derniers n'ont pas dit leur dernier mot. Ils ont comme objectif, à présent, d'empêcher François Hollande d'être seul en lice dans son camp pour son éventuelle réélection en mai 2017. Deux noms apparaissent comme des candidats possibles en face du Président sortant : les anciens ministres socialistes démissionnaires en août 2014, Benoit Hamon et, surtout, Arnaud Montebourg. Il y a aussi Emmanuel Macron, ministre de l'Economie, l'un des penseurs de l'orientation droitière, qui s'imagine déjà être candidat… Ce qui faisait titrer Le Figaro : «Hollande cerné dans son camp», alors que Le Parisien s'exclamait : «Quelle pétaudière !» «Une séquence épouvantable», pour le quotidien Le Midi libre. Une pléthore de candidats se profile donc à gauche, puisque Jean-Luc Mélenchon, déjà candidat en 2012, s'est déjà déclaré. Tout le monde pense donc d'ores et déjà à une défaite du président Hollande en avril 2017 dès le premier tour. Avec un second tour qui pourrait afficher un duo droite/extrême-droite. Pour les extrémistes, on sait déjà que Marine Le Pen, présidente du Front national, est candidate sur un programme qui emprunte opportunément à la gauche. Elle s'astreint à une cure de silence ces dernières semaines, se contentant avec son staff d'observer et de compter les points. Un sourire aux lèvres en contemplant la déliquescence à gauche et les parties de punching-ball à droite entre l'ex-président Sarkozy et la presque dizaine de ses anciens lieutenants, qui se sont lancés dans la bataille pour la primaire de l'automne prochain. Tous, sur un projet libéral qui est loin de faire l'unanimité dans le pays si on en croit les sondages. Les Français font face à une situation économique difficile et des services publics défaillants en raison de la purge budgétaire inspirée par la pensée libérale. Les électeurs ont, depuis le 10 mai 1981 (élection de Mitterrand), régulièrement joué la carte de l'alternance, sauf entre 2002 et 2012. La droite les ayant déçus pendant cette décennie, ils sont revenus à gauche, mais ces volte-face continuelles pourraient les lasser tant les politiciens ont créé une brèche dans la confiance, difficile à colmater.