Le prix de la viande à Batna grimpe doucement mais sûrement. Aujourd'hui sur le marché, la viande rouge atteint facilement 700 DA le kilo, voire plus. Le foie est à 1200 DA. Quant à la viande blanche, elle ne fait pas exception et se vend autour de 250 DA le kilo, la dinde à 500 DA le kilo d'escalopes. Un boucher nous annoncera que les prix s'envolent avec l'arrivée du Ramadhan. Beaucoup de consommateurs nous ont affirmé se rabattre sur les viandes congelées qui seraient importées d'Australie. Il suffit de passer devant leurs points de vente pour constater l'attirance du public pour ce produit. Un médecin nous déclarera : « Je ne suis pas sûr que ces viandes soient de qualité, vu les problèmes de la vache folle et autres dont souffre l'élevage bovin dans beaucoup de pays dont l'Australie. Est-ce que leurs produits sont vraiment sains et conformes à la législation en vigueur dans leurs pays ? Je n'en sais rien. Mais beaucoup de produits interdits ont été exportés vers les pays en voie de développement sous d'autres formes ou avec de faux documents. Espérons que nos services sanitaires veillent au grain. » Des bouchers interrogés sur les raisons d'une telle hausse nous expliqueront que les prix pratiqués par les maquignons sont trop élevés. Ces derniers rejetteront à leur tour la responsabilité sur les éleveurs d'ovins, de bovins et les aviculteurs. Un éleveur de moutons de la région de Barika nous expliquera : « L'année a été bonne avec une importante pluviométrie. Nous n'avons donc pas de problèmes pour nourrir notre bétail. Cependant, nous en vendons le moins possible, car c'est maintenant que nous pouvons renouveler notre cheptel. L'offre n'étant pas suffisante, la spéculation fait le reste. Il faut savoir que notre cheptel a beaucoup diminué à cause de la sécheresse où l'on vendait à perte pour ne pas laisser mourir les bêtes par manque d'eau et de fourrage. Cela sans compter les dégâts opérés par la contrebande vers les pays limitrophes. » Un autre éleveur de Bitam soulignera que lui et beaucoup d'autres devaient réinvestir dans du bétail de race comme le mouton d'Ouled Djellal pour améliorer la qualité de leur cheptel. « Nous aussi, nous le payons cher. Un mouton de cette espèce nous est revendu par les maquignons à environ 25 000 DA. » L'offre et la demande En ce qui concerne les viandes blanches, les prix ont souvent été à la hausse. Un éleveur de la région d'El Madher soulignera que sa basse- cour a été décimée par les grandes chaleurs de cet été et personne ne prend le risque d'acheter des poussins à cette période. « Même les incendies de la région ont amplifié le phénomène. Le thermomètre a grimpé jusqu'à 50°C dans les parcs d'élevage de dindes et de poules, décimant ceux qui restaient », précisera-t-il. « Nous devons donc investir dans les poussins sains pour renouveler nos élevages mais leurs prix ont doublé : de 30 DA en été, ils sont passés à 60. Les prix s'en ressentent, car l'offre est bien inférieure à la demande. » Une fois de plus, c'est le porte-monnaie du consommateur qui en fait les frais quand celui-ci ne se referme pas carrément. Mais il y a pire. Dans les marchés de Batna, il y a recrudescence de vente sauvage de chèvres, de volailles et même de poissons. Cette viande est relativement moins chère et attire les consommateurs qui ont un faible pouvoir d'achat. Aucune précaution sanitaire n'est prise, et les vendeurs échappent à tout contrôle même vétérinaire. Ces viandes sont exposées au soleil et à la poussière. Elles sont même parfois vendues près des décharges. « Ces vendeurs à la sauvette d'un nouveau genre, nous dira un pharmacien, font encourir à la population des risques non calculés. La santé publique est l'affaire de tous et nous, consommateurs, devrions apprendre à ne plus nous laisser séduire par des produits dont nous ne connaissons pas la provenance. Le mois du Ramadhan approche et la situation sanitaire de la vente des viandes risque d'empirer. Il faut que les services de contrôle, d'hygiène de la qualité et des prix, les associations de consommateurs, les services de la santé ainsi que la police soient intransigeants et ne pardonnent plus de telles pratiques. » Un contrôleur de la qualité et des prix nous préciser : « Malgré nos efforts, cette nouvelle forme de commerce échappe à notre contrôle car elle est mobile. Même dans les boucheries, nous interdisons la vente de poulets non vidés. Dans les marchés, c'est pire car les abattoirs de poulets sont inexistants. L'Oravie à elle seule ne peut suffire et ce sont des abattoirs de fortune, avec une gazinière et deux vieilles femmes qui font le travail. Tant que l'action n'est pas commune à tous les services, nous ne pourrons venir à bout à ce nouveau mode de contrebande. Comment peut-on se faire de l'argent sur la misère du peuple ? »