En ce début du 9e mois lunaire de l'an 1437, les rues d'Alger semblent moins grouillantes par rapport à la fébrilité du reste de l'année. C'est bien sûr le Ramadhan où l'abstinence pèse de tout son poids, conjuguée à un mercure qui grimpe en cette période de solstice d'été et qui amenuise l'activité de l'ensemble des jeûneurs. Ces derniers préfèrent, il va sans dire, entrer en hibernation plutôt que de battre le pavé ou fouler le macadam. Le trafic automobile, lui, se fait fluide ; le temps des dessertes devient moins stressant et se fait dans un temps presque record. A croire que tout le monde s'est donné le mot, celui de s'interdire de faire vrombir son carrosse. Un geste écolo ? On s'en doute ! Le conducteur tient plutôt à faire l'économie d'invectives au volant de sa bagnole en ce mois sacré qui nous invite à entrer en communion avec les règles de la civilité. Tant mieux ! Y règne au demeurant une vacuité aussi, dans les établissements publics et autres services de l'administration où les responsables et leurs troupes s'autorisent des ristournes dans l'effort du travail. Les exemples sont légion. Dans nombre de bureaux de poste ou de services d'état civil de mairie, les effectifs censés assurer la besogne publique se voient réduits : de la dizaine de préposés plantés derrière le comptoir d'accueil habituellement, il ne subsiste que deux ou trois serviteurs, les autres vadrouillent dans les parages ou sont en état de dormance. Dans le même fil de la tendance, les marchés de fruits et légumes, ces lieux publics, qui d'habitude «surfréquentés», semblent désemplir, hormis les deux dernières heures qui précèdent la rupture du jeûne, lors desquelles les établissements commerciaux de fortune, reconvertis, faut-il souligner, l'espace de 29 ou 30 jours, c'est selon, en négoce de brioches, zlalabia, qalbalouz et autres gourmandises orientales, sont pris d'assaut. Cela rapporte gros, dès lors que les jeûneurs sont moins regardants sur la qualité et l'hygiène des sucreries proposées, notamment celles étalées à même le trottoir, sur des éventaires au gré des écrans de poussière et avec la bénédiction des pouvoirs publics qui ferment l'œil en ce mois de «tout est permis», celui de la «tolérance». C'est le Ramadhan et la panse nous joue à chaque fois de vilains tours, me lance un ami. Oui, les gens ne se privent de dépocher leurs picaillons avant de voir une bonne partie des achats de leurs «agapes» finir le lendemain dans le sachet d'ordures de la ménagère, à défaut d'atterrir dans le caniveau.